Pierre
Louis Rouillard (1820-1881)
sculpteur animalier, professeur de sculpture et d’anatomie
Le présent texte est la présentation d’un Mémoire de Recherche de l’École du Louvre (Thèse de). Il a été soutenu le quinze octobre mille neuf cents quatre-vingt-dix-sept. Le document original comporte un millier de pages et huit cents photographies. Sa publication sera effectuée en deux parties, une pour le catalogue raisonné et une autre sur l’activité de professeur de Pierre Louis Rouillard. Une biographie est disponible en ligne sur http://www.chez.com/byc/bioplr.html. La thèse est en accès large pour les chercheurs auprès de la bibliothèque des conservateurs au Louvre.
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© Bernard-Yves COCHAIN 1997.
Issu d’une famille d’artisans et de sculpteurs décorateurs, Pierre Louis Rouillard rentre à l’âge de douze ans à la Petite École, l’École Gratuite de Dessin, l’actuelle École des Arts Décoratifs. Il y remportera tous les prix et entrera à l’École des Beaux-Arts à dix-sept ans, dans l’atelier de Cortot. Cette inscription lui ouvrira les portes du Salon, où il exposera jusqu’à sa mort. Comme beaucoup de sculpteurs de sa génération, il étudia l’anatomie comparée au Muséum d’Histoire Naturelle, ses études lui amenant ses premiers travaux dès 1835. L’originalité de sa formation lui assure une place un peu à part dans la sculpture du dix-neuvième siècle.
Un sculpteur polyvalent
Rouillard, fut fidèle pendant toute sa carrière aux animaux, ce qui ne l’empêcha pas de réaliser quelques portraits qui furent appréciés. Mais, comme il l’avoue lui-même, il n’aimait pas trop ce type de commandes.
Contrairement à ses collègues, il se spécialisa dans l’animal monumental, ce qui le conduisit à travailler avec les principaux architectes du siècle, parmi lesquels, Duban, Lefuel, Bailly, Davioud, Garnier, Baltard… On le rencontre sur les chantiers du Louvre où il dirigea des équipes de sculpteurs et donna des modèles. On lui doit une partie de la façade méridionale, le décor du manège, de la cour Lefuel et diverses compositions.
A Paris encore, il participa aux décors de l’Opéra, de la Fontaine Saint-Michel, du tribunal de commerce, du Trocadéro et du Ministère de la Guerre.
En Province et à l’étranger, il réalisera les décors de demeures et châteaux privés, sa commande la plus célèbre étant sans doute celle qu’il réalisa pour le Sultan de Constantinople, 24 groupes d’animaux, des vases monumentaux et une frise pour le palais de Beylerbeyi.
Pour mener à bien cette gigantesque commande, Pierre constitua une équipe d’une dizaine de sculpteurs qu’il fit travailler dans son atelier, d’après ses modèles.
Cette commande fut rééditée, comme d’autres œuvres de Rouillard en fonte de fer. Ce matériau dont le dix-neuvième siècle découvrit l’usage décoratif accompagna Pierre, tout au long de son activité. Il fut, probablement grâce à ses penchants pour l’art décoratif, l’un des premiers artistes à collaborer avec les grands fondeurs, Ducel, Durenne ou le Val d’Osne.
Curieusement, et en contraste avec les autres animaliers, Rouillard a su s’exprimer principalement dans l’art monumental. Il n’a pas participé au mouvement d’édition des petits bronzes.
Ses œuvres dans ce matériau sont monumentales, comme les cervidés de Beylerbeyi ou les combats d'animaux de la cour Lefuel. Mentionnons cependant quelques groupes charmants, dont celui de Chien Roquet culbutant un chat, qui fut acheté par le Duc d’Orléans en 1840, Pierre avait tout juste vingt ans. Cette commande lui permit de payer quelqu'un pour faire le service militaire à sa place.
Pierre édita cependant quelques modèles, principalement en terre cuite. Malheureusement, son fond d’atelier fut détruit pendant la commune et une grande partie de ses modèles furent perdus. Les modèles rescapés n’eurent pas un meilleur sort, car Pierre les légua à l’école à laquelle il consacra sa vie, l’École des Arts décoratifs. Malheureusement, cette dernière ne conserva pas les modèles, 1968 achevant les dernières destructions.
C’est sans doute la perte de ses modèles et son absence de descendance qui fit tomber peu à peu dans l’oubli cet artiste qui dirigea sur les chantiers les plus prestigieux des artistes comme Bonheur, Daumas, Delabrière, Demay, Frémiet, Heizler, Jacquemart et tant d’autres.
Les œuvres que l'on trouve le plus, sont sans doute les très nombreux prix de Concours agricoles qu'il réalisé pour l'orfèvre Christofle. Pierre donna en effet des modèles aux grands orfèvres, ses participations les plus prestigieuses furent sans doute ses modèles pour les célèbres Surtouts des Tuileries et de l'Hôtel de Ville.
Professeur de sculpture et d’anatomie
Elève de la Petite École dès l’âge de 12 ans, Pierre ne la quitta jamais, passant naturellement du banc à la chaire. Dès sa vingtième année, il en fut un répétiteur, puis un professeur dévoué, apprécié par ses élèves, comme en témoignent ceux qu’il dirigea : Ah ! C’est qu'il n’était pas un homme ordinaire lui qui savait si bien unir ces deux sublimes sentiments du cœur l'amitié et le zèle, qui sont les qualités primordiales d'un bon professeur. Aussi combien de vaillants jeunes gens a-t-il formé dans sa longue carrière. Que de bons ouvriers ; les uns ornemanistes, les autres praticiens, jusqu'à des artistes, Messieurs, qui doivent se souvenir de lui, que dis-je, jusqu'à des Prix de Rome. […] Ce qu'il voulait avant tout, c'est que ces jeunes gens qui lui étaient confiés aimassent le travail ; et il se disait sans doute : il est impossible que ces enfants deviennent paresseux en voyant le mal que je me donne pour eux ; car les parents doivent me les envoyer, pour que j'en fasse de bons travailleurs."
La liste de ses élèves est longue. Parmi les centaines de jeunes qu’il forma, nous pouvons mentionner les frères Gardet, Masson, Aigon, Vidal ou Pompon.
Professeur d’anatomie
En anatomie, ses connaissances lui valurent un si gros succès qu’il fallut, événement exceptionnel dans la vie de l’école, instaurer un système de carte et d’inscription pour gérer les accès à ses cours. Ce succès est d’autant plus remarquable, qu’à la même époque, les cours de Frémiet au Muséum végétaient.
Rouillard, tradition et histoire
L’amour de Rouillard pour l’Art industriel, l’incita à prendre la défense de la Petite École, face à sa rivale, l’École des Beaux-Arts. Il réclama des prix plus substantiels pour ses élèves et se comporta, en homme de tradition. Il devint son historien bénévole, même si ses motivations étaient surtout dictées par le souci de conserver ou retrouver le lustre et la qualité de l’ancienne formation. Il déplora bien souvent, que le relâchement dans les exigences opposées aux étudiants, transforme la Petite École en un simple marchepieds pour sa sœur aînée.
Les sujets de Rouillard
Notre catalogue comprend environ deux cents œuvres et seulement une dizaine d’humains. Cette proportion justifie sa réputation d’animalier.
L’évolution de son art est sensible, Pierre rechercha durant toute sa carrière à atteindre une vérité dans l'expression et l'anatomie des animaux que la plupart de ses contemporains considérait comme secondaires. Pour beaucoup d’animaliers, l’animal est un sujet, à travers lequel il fait passer, à la manière des fabulistes, des émotions humaines. Rouillard, a cherché à traduire l’animal dans sa réalité. Cette attention le conduisit à préférer les sujets grandeur nature, voire colossaux.
Cette orienta-tion explique aussi le peu d’intérêt que Rouillard prit à la réalisation de petits bronzes. Pourtant, il sut parfaitement exprimer dans l’orfèvrerie son sens de l’observation. Ses nombreux prix de concours agricoles, réalisés pour la maison Christofle en témoignent. Il réalisa d’ailleurs la plupart des modèles de cet orfèvre, modèles qui perdurèrent bien après sa mort, puisque les dernières éditions datent de notre siècle.
Quelques dates