Arisitum

L'ARCHEOLOGIE EN AQUITAINE (1994)
BILAN ET RESULTATS

(Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques)


Source: "Bilan Scientifique 1994", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles d'Aquitaine, Service Régional de l'Archéologie, 1995, pages 7 à 11.


Préface (de Dany BARRAUD)

L'installation du Service régional de l'Archéologie, en ce début d'année 1995, dans les locaux neufs de la Direction régionale des Affaires culturelles, a quelque peu bouleversé les habitudes des uns et des autres. Souhaitons que ce nouveau cadre soit l'occasion d'impulser une nouvelle dynamique. C'est du moins ainsi que le personnel du Service régional de l'Archéologie l'a voulu en procédant notamment à l'informatisation de la gestion des documents d'urbanisme et en mettant sur pied une réflexion sur les "documents finaux de synthèse" et les moyens de les rendre plus accessibles aux chercheurs.

L'année écoulée a été l'occasion de resserrer les liens avec les collectivités territoriales, en particulier pour améliorer les moyens mis à la disposition des chercheurs. A la suite de la collaboration régulière instituée avec les départements du Lot-et-Garonne et de la Dordogne, une concertation très étroite avec les Pyrénées-Atlantiques s'est traduite par la signature d'un protocole d'accord sur le cofinancement des opérations archéologiques départementales. Ces aides ont ainsi permis de faire émerger des publications - les Documents d'Archéologie Départementaux - qui, gérés par des associations départementales avec l'aide d'un comité de rédaction, permettent à chacun de publier rapports d'opérations archéologiques et découvertes fortuites qui ne trouvent pas leur place dans des revues de diffusion nationale. Comme pour Aquitania, revue interrégionale, nous avons souhaité que les maquettes de ces revues soient conformes aux normes internationales de l'édition. Ces publications fourniront ainsi, par l'apport d'une documentation de première main, la communication rapide de résultats à la communauté scientifique régionale et nationale.

Dans le même ordre d'idée, la poursuite de la publication de la Carte archéologique de la Gaule devrait, après les Pyrénées-Atlantiques en 1994, permettre d'éditer en 1995 les départements des Landes et du Lot-et-Garonne et de mettre en chantier celui de la Dordogne.

Avec la Gironde, dont le manuscrit est en cours d'achèvement, toute la région Aquitaine aura été couverte en cinq ans. Nous disposerons ainsi d'une documentation bibliographique régionale importante pour les périodes protohistorique et antique. Il s'agira de poursuivre cet inventaire exhaustif par l'étude des époques préhistorique et médiévale.

Afin de compléter cette documentation, et dans un souci d'efficacité administrative, notamment dans le traitement des données liées aux ouvertures de carrières, une convention a été signée en 1994 avec le Bureau de Recherches Géologiques et Minières. Celle-ci prévoit pour 1995, la réalisation d'une cartographie régionale permettant la mise en évidence de toutes les ressources géologiques ayant un intérêt archéologique : gisements de silex pour la préhistoire, zones d'argiles susceptibles d'avoir été exploitées par des potiers ou des tuiliers, secteurs de tourbières constituant des potentiels paléoenvironnementaux, gisements miniers, etc. II nous sera ainsi possible de compléter les données de la carte archéologique DRACAR par une information plus globalisante liant l'activité anthropique aux conditions géomorphologiques.

Enfin, il est à espérer que nous pourrons concrétiser en 1995 nos projets de suivi systématique des travaux en milieu rural, principalement autour des édifices religieux et dans les bourgs médiévaux, bastides, villages castraux et ecclésiaux. Ces interventions nécessaires sont toutefois très souvent liées aux possibilités de cofinancement avec des partenaires territoriaux. II ne saurait être question en effet de faire supporter aux seules communes, dans 1a plupart des cas de faible importance économique, le coût financier non négligeable de ces sauvetages archéologiques. L'évolution de nos connaissances sur l'occupation du sol des campagnes, la mise en place des tissus paroissiaux et la naissance des agglomérations secondaires passent par l'indispensable surveillance systématique de ces petits travaux ruraux: drainage, aménagements de voirie, etc. Refuser pour des raisons économiques ou de peu de rentabilité scientifique immédiate de surveiller et d'enregistrer les données du terrain ne fera qu'accentuer en Aquitaine le décalage scientifique grandissant qui existe entre les fouilles urbaines des grands centres contemporains et celles du monde rural.


Bilan et orientations de la recherche archéologique (de Dany BARRAUD et Jean-Michel GENESTE)

Cent soixante seize opérations ont été réalisées en Aquitaine en 1994.

Le désormais traditionnel déséquilibre régional entre les activités archéologiques des départements du Nord (Dordogne, Gironde, Lot-et-Garonne) et du Sud (Landes et Pyrénées-Atlantiques) accuse des changements notoires qui sont les premières manifestations d'une politique volontariste engagée depuis maintenant deux ans par le Service régional de l'Archéologie et à laquelle bien des acteurs extraterritoriaux, régionaux et locaux (essentiellement les régions limitrophes espagnoles) ont bien voulu s'associer. Ce développement est sensible dans des domaines aussi variés que la recherche archéologique de terrain proprement dite, les activités de diffusion scientifique et l'animation culturelle régionale au sens large.

Depuis maintenant près de deux ans la recherche en Préhistoire sur les Pyrénées-Atlantiques a pris une dimension nouvelle qui tient â l'investissement accru de chercheurs sur cette partie de la chaîne, à une volonté de mieux contrôler la conservation de ce patrimoine et à l'instauration de relations plus soutenues avec les chercheurs du sud.

A Iholdy, dans le karst d'Unikoté, les recherches se sont développées vers l'extérieur de la cavité afin d'accéder à une vision plus dynamique du remplissage, assurément complexe, de ce site. Des nouveaux restes humains ont été mis en évidence au sein des précédents ensembles paléontologiques identifiés par P. Michel dès 1993. Les récentes datations par 1e radiocarbone réalisées à Gif-sur-Yvette par accélérateur indiquent sans doute possible un âge néolithique. L'insertion de ces vestiges anthropologiques néolithiques au sein d'ensembles sédimentaires et/ou paléontologiques d'âge würmien plus ancien va désormais constituer l'axe de recherche prioritaire de ce gisement. L'ensemble des moyens scientifiques et matériels mis en oeuvre depuis deux années devrait y contribuer largement.

Des études préalables à des travaux routiers ou autoroutiers en Pays Basque et en Béarn ont été l'occasion en 1994, d'une mise à plat de données existantes par le recensement des informations anciennes, la poursuite de l'étude des collections de matériel lithique et, surtout, la localisation précise des sites.

Des prospections sur les tracés de l'A.53 (côte basque et sud des Landes), sur l'emprise de la future autoroute Pau-Oloron, ont contribué à cet inventaire indispensable pour une protection efficace et une étude ultérieure concertée.

L'aspect le plus novateur de ces bilans concerne 1a reconnaissance d'un niveau du Paléolithique moyen dans les collines dominant Oloron Sainte-Marie. Ceux-ci avaient été mis en évidence par des prospections anciennes et lors de la fouille du tumulus de Peyrecor 2. Une intervention archéologique limitée, réalisée par le Service régional de l'Archéologie a permis de mieux caractériser ces niveaux et devrait faciliter la reconnaissance de ce faciès lors des sondages-diagnostics sur le futur tracé de l'autoroute dans ces secteurs.

Le réseau triple du massif de l'Arberoue à Isturitz/Saint-Martin d'Arberoue a fait l'objet, en 1994, d'une extension de la protection au titre des Monuments historiques qui témoigne de son intérêt exceptionnel mais aussi de la volonté de la communauté scientifique d'assurer la meilleure protection à cet ensemble qui devrait faire l'objet, dans les années à venir, d'un véritable bilan sanitaire, scientifique et patrimonial associant des équipes spécialisées originaires des deux versants de la chaîne pyrénéenne.

Le développement de contacts et la programmation, dès l'horizon de 1995, d'opérations conjointes de diffusions scientifiques qui prendront certainement la forme de journées scientifiques thématiques entre les chercheurs de cette région frontalière franco-espagnole avec les archéologues responsables des universités de Vittoria et de Sarragosse et d'organismes de recherche du Pays basque espagnol contribue aussi à ce regain d'activités.

Au plan universitaire, la reprise d'un enseignement de Préhistoire dans le cadre de la formation des étudiants d'histoire de l'art à l'Université de Pau est susceptible, à son tour, de contribuer au développement de l'archéologie dans les Pyrénées-Atlantiques.

Dans le département des Landes, l'année écoulée a été marquée par le centenaire de la découverte de la "Dame de Brassempouy". Une série de manifestations scientifiques, muséales et culturelles diverses ont servi, les 22-23 juillet 1994, de cadre à un colloque scientifique international.

En Lot-et-Garonne, les opérations de fouilles préhistoriques qui concernent surtout le nord-est du département se sont poursuivies selon les programmations prévues, aussi bien sur le site de Las Pélénos à Monsempron-Libos (où une occupation aurignacienne a été mise en évidence) que dans les niveaux de Périgordien à burins de Noailles du Callan à Blanquefort-sur-Briolance ou encore sur le site du Roc Allan à Sauveterre-la-Lémance.

En ce lieu, outre la campagne de fouilles qui a notamment permis d'apporter des précisions sur la mise en place des occupations sauveterriennes et la découverte d'une structure de combustion dans le Magdalénien, deux manifestations importantes se sont déroulées: l'inauguration en mai d'une salle d'exposition permanente consacrée au Mésolithique et, en décembre dernier, une table-ronde internationale sur le Sauveterrien.

Une trentaine de spécialistes français et étrangers ont participé à ces travaux et contribué à une synthèse sur cette culture mésolithique. Les gisements éponymes du Martinet et du Roc Allan furent l'objet d'excursions et de visites commentées. Les actes de cette réunion, qui devraient voir le jour fin 1995 ou en 1996, devraient donner lieu à un ouvrage rassemblant les données les plus récentes sur le Sauveterrien.

En Gironde, les recherches pluridisciplinaires sur le littoral médocain à Grayan-et-l'Hôpital (La Lède du Gurp) qui font l'objet d'une expertise approfondie auraient permis d'identifier les vestiges d'une habitation de terre crue dont l'âge et la nature seront précisées à l'issue des rapports terminaux dans le courant de l'année 1995. Par ailleurs, dans le même secteur, lors des grandes marées hivernales, des restes de proboscidiens du Pléistocène supérieur ont été dégagés par P. Michel de l'Université de Bordeaux I, au niveau des formations argileuses qui servent de substratum à la séquence stratigraphique de La Lède du Gurp.

A l'abri Houleau, au cours d'une nouvelle campagne d'évaluation, entreprise à l'initiative de M. Lenoir (U.M.R.99.33), des restes humains en position stratigraphique isolée ont été découverts dans une anfractuosité de 1a paroi rocheuse. Une datation au radiocarbone est en cours ; elle permettra l'adoption d'une problématique spécifique à l'âge de ces vestiges. Par ailleurs, le potentiel archéologique de ce gisement paraît avoir été surestimé jusqu'alors.

En Dordogne, des travaux d'aménagement ont permis de réaliser des observations scientifiques nouvelles ou de préciser des connaissances anciennes.

Les travaux d'élargissement du C.D.47, au droit de la falaise de Laugerie-Haute (Les Eyzies-de-Tayac), ont donné lieu à une opération de sauvetage qui a permis de préciser l'extension des occupations du Paléolithique supérieur dans ce secteur privilégié où les premiers travaux d'aménagement routiers datent de la seconde moitié du XIXe siècle.

A Creysse, sur le site de pied de versant de Villazetta, les travaux coordonnés dans le cadre de l'étude des gisements de Barbas ont confirmé l'existence d'une séquence du Paléolithique supérieur (Gravettien, Magdalénien ?) qui s'avère complémentaire et postérieure à celle de Barbas III qui s'achève avec l'Aurignacien. Un programme spécifique permettra d'automatiser les recherches dans ce gisement de plein air où, rappelons-le, la faune est exceptionnellement conservée.

Dans la grotte de Combe Saunière où s'achève l'étude des occupations du Solutréen, l'extension de la fouille des niveaux archéologiques inférieurs a permis de mettre en évidence de nouveaux horizons culturels intercalés entre les séquences aurignaciennes et moustériennes. Le nouvel ensemble sédimentaire, stratigraphiquement bien individualisé et reconnu sur plusieurs mètres carrés, contient des vestiges attribuables au Châtelperronien. L'industrie lithique y est caractérisée par des pointes à dos retouché, courbe, réalisées sur des produits laminaires courts ; les restes de faune et l'industrie, abondants, sont associés à une aire de combustion très nette. De nouveaux ensembles archéologiques moustériens distincts ont eux aussi été explorés vers la base du remplissage.

A La Micoque, les recherches relatives au réexamen stratigraphique de ce site de référence pour la connaissance des industries paléolithique inférieur et moyen régional et de leur environnement arrivent à leur terme.

En 1994, la fouille a essentiellement concerné le niveau E dans des zones qui s'étendaient à l'avant du pied de falaise.

A Lascaux, N. Aujoulat a entrepris, en liaison avec le Laboratoire de Recherche des Musées de France, un programme d'étude des pigments des peintures de la Salle des Taureaux qui devrait conduire à une meilleure connaissance de la composition de l'oeuvre pariétale qui orne cette cavité. Le programme de grande ampleur s'organise autour de deux séances annuelles de prélèvements coordonné par la conservation de la grotte de Lascaux, le Service régional de l'Archéologie et le Laboratoire de Recherche des Monuments historiques.

La grotte de Lascaux a, par ailleurs, fait l'objet d'un bilan interdisciplinaire qui vient d'être remis à la Direction du Patrimoine.

II s'agissait de présenter un bilan actualisé de la gestion du contrôle scientifique de ce monument historique majeur, fermé au public depuis 1963. Ce document a pour première utilité de servir de base à la réflexion de l'Architecte en chef des Monuments historiques chargé du réaménagement des installations scientifiques et techniques de la cavité. Ont concouru à son élaboration pendant deux ans, sous l'égide de l'Architecte en chef des Monuments historiques et du Conservateur du monument, tous les services du Ministère de la Culture et de la Francophonie, les organismes et personnels concernés. Quatre agents du Service régional de l'Archéologie dont un agent vacataire à temps plein affecté au Service régional de l'Archéologie au sein de la Direction régionale des Affaires culturelles, ont pu mener à son terme une synthèse sur une cavité ornée d'intérêt international qui accueille, chaque année, plusieurs centaines de chercheurs et de personnes, visites à titre toujours exceptionnel qui ne sauraient se dérouler sans une surveillance attentive et indéfectible qui occasionne une charge d'activité spécialisée et permanente.

Enfin, un projet général de valorisation et de diffusion des connaissances géologiques et archéologiques relatives aux différentes ressources naturelles en matières premières a été élaboré en liaison entre le Service régional de l'Archéologie et le Bureau de Recherches Géologiques et Minières. Ce projet s'inscrit dans la suite logique d'un projet collectif de recherche entrepris dès 1992 sous la coordination de A. Turq qui réunissait déjà une quinzaine de collaborateurs sur le thème des matières premières siliceuses du Bassin aquitain. Les ressources naturelles prises en compte ici vont des silex utilisés au Paléolithique, aux argiles à potiers, en passant par les carrières de pierre à bâtir ou les mines aurifères.

La signature d'une convention de partenariat entre le Bureau de Recherches Géologiques et Minières, la Sous-Direction de l'Archéologie et le Service régional de l'Archéologie d'Aquitaine devrait se concrétiser, dès 1995-1996, par la publication d'un atlas des ressources naturelles à intérêt archéologique pour la région Aquitaine. Cette réalisation, d'une conception scientifique originale, s'inscrit dans la perspective d'un transfert de connaissance interdisciplinaire (ressources géologiques, carte archéologique) à destination d'un public d'utilisateurs potentiels au premier rang desquels figurent de nombreux organismes de service public.

Pour la période néolithique, il faut noter le redémarrage de l'opération de Douchapt (Dordogne) où des sondages ont été réalisés visant à mieux cerner le site dans son cadre géomorphologique et environnemental pour une publication en 1995. A quelques kilomètres de là, un sondage de diagnostic, réalisé en travers du rempart du site du Gros Bost (Dordogne), a permis de mettre en évidence un important mobilier artenacien sous cette construction. Les recherches devraient s'étendre, en 1995, dans 1e cadre d'une opération programmée et permettre aussi, nous l'espérons, un redémarrage de l'activité archéologique sur ces périodes où, depuis déjà quelques années, seul le site de La Lède du Gurp (Gironde) faisait l'objet d'une fouille.

Mais la découverte majeure de l'année 1994 restera probablement celle réalisée sur le plateau de l'Ermitage à Agen (Lot-et-Garonne). Cette fouille programmée, qui arrivait en fin de programmation, a porté notamment sur l'achèvement de l'exploration d'un puits. Un premier dépôt avait déjà été mis au jour en 1993 (cf. couverture du bilan scientifique 1993). Un mètre plus bas, l'équipe de fouille a de nouveau dégagé un important matériel archéologique du 1er siècle avant J.-C., déposé dans un grand caisson de bois. Outre de la céramique indigène, un nouveau casque identique aux deux précédents, une situle en bronze, une nouvelle oenechoë et deux seaux en bois décorés de bronze ont été extraits du fond de ce puits. La qualité de conservation du matériel, l'ampleur des renseignements archéologiques acquis, notamment grâce aux très nombreux prélèvements réalisés, feront de la publication de cette fouille une référence bibliographique incontournable sur le monde celtique.

Dans le domaine minier, il convient de signaler l'achèvement des fouilles sur l'aurière de Jumilhac-le-Grand (Dordogne) où, une fois de plus, ont été dégagés tous les boisements des mines protohistoriques. II est toutefois à noter que, pour la première fois, grâce aux datations dendrochronologiques il a pu être mis en évidence une réoccupation des lieux au Haut-Moyen-Age.

L'année 1994 aura aussi été marquée par un redémarrage des travaux en milieu urbain. Ainsi, plusieurs opérations ont porté à Périgueux, Cité de Campniac, sur un quartier antique ; à Oloron-Sainte-Marie (cathédrale) sur les restes d'un habitat gallo-romain et les aménagements postérieurs liés à l'implantation de la cathédrale; à Bordeaux (Cité judiciaire), sur deux mille mètres carrés, sur une rue à galerie et des quartiers artisanaux du Haut-Empire ; à Bayonne, où une surveillance ponctuelle d'aménagement de voirie a permis de compléter nos informations sur l'enceinte de la ville et, enfin, à Mont-de-Marsan où une fouille localisée contre le rempart du bourg castral a permis de dégager, pour la première fois, des niveaux antiques et de suivre l'évolution de ce quartier jusqu'au XVIIIe siècle.

Le monde rural antique a, lui, fait l'objet de recherches plus ponctuelles : à Castelculier (Lot-et-Garonne) et Saint-Méard-de-Dronne (Dordogne) où des travaux d'élargissement de voirie ont permis de compléter le plan de ces deux grandes villae et de découvrir, à Castelculier, une superbe tête en marbre, probablement de Caraccala.

Enfin, la réalisation d'un diagnostic archéologique sur un autre secteur du vicus antique de Vayres (Gironde) a permis de dégager les restes d'ateliers de potier des 1er et IIe siècles après J.-C. Outre la production de ces fours, il a été dégagé plusieurs éléments de comptes de potier qui nous renseignent sur les noms des vases, des potiers et les quantités produites. Ce document épigraphique éclaire plus précisément le fonctionnement de ce grand centre potier que semble être "Varatedo" avant et après la conquête romaine.

Comme chaque année, 1994 a été l'occasion de réaliser un certain nombre de sauvetages préalables à des travaux d'assainissement ou de terrassement autour d'édifices religieux, notamment à Ajat, Sainte-Orse, Capdrot (en Dordogne) et Saint-Christoly-de-Blaye (en Gironde). Ce dernier site a livré quelques sépultures habillées mérovingiennes avec la découverte d'une plaque boucle de type aquitanique et d'une fibule. Un gros effort reste toutefois à faire pour adapter ces méthodes de collaboration avec les Services départementaux d'Architecture dans les Pyrénées-Atlantiques et le Lot-et-Garonne.

La poursuite du suivi des travaux sur des agglomérations de petite ou moyenne taille ont, cette année, porté, une nouvelle fois, sur la bastide de Monpazier (Dordogne) avec une série de sondages réalisés sur le tracé de l'enceinte et sur la commune de La Réole (Gironde) où une étude a été réalisée dans le cadre d'un D.E.A. sur une maison de la fin du XIIe siècle, quasiment intacte, découverte en 1993.

Trois nouveaux bourgs médiévaux ont fait l'objet de recherches : Fumel (Lot-et-Garonne), Issigeac (Dordogne) et Belvès (Dordogne). A Fumel, une étude globale d'architecture et d'archéologie a été réalisée, à l'occasion d'un projet de démolition par l'Office des H.L.M., de deux maisons qui se sont révélées être, après analyse détaillée du bâti, du XIIIe siècle.

A Issigeac, petite commune d'un millier d'habitants, une surveillance de l'assainissement a permis de modifier considérablement nos connaissances sur ce bourg ecclésial de plan radio-concentrique dont l'origine était fixée au XIe siècle lors de la création d'un prieuré bénédictin. En fait, il est maintenant prouvé que ce prieuré s'est installé sur les ruines d'un édifice plus ancien dont la nécropole mérovingienne à sarcophages monolithes découverte à l'occasion des travaux atteste la présence. De plus, ce cimetière s'est lui-même implanté sur les vestiges d'une grande villae tardive du IVe siècle. Systèmes thermaux, murs et mosaïques de cet édifice ont été dégagés. Si l'on ajoute à ces trouvailles la localisation des deux enceintes médiévales du bourg, on prend toute la mesure de l'importance de ces résultats pour la connaissance de l'occupation du sol en Bergeracois et du phénomène plus général de développement des agglomérations secondaires.

Le monde rural médiéval a, lui aussi, fait l'objet de quelques investigations en 1994, à l'occasion de décapages sur des grands tracés linéaires ou de carrières.

Ainsi, à La Croix Blanche (Lot-et-Garonne), Sus (Pyrénées-Atlantiques) et Les Eglisottes (Gironde), les restes d'habitats en matériaux périssables du Xe ou XIe siècle ont été dégagés, fournissant malheureusement des plans très incomplets alors qu'à Belvès (Dordogne), les fouilles faites dans le bourg, aux limites du castrum, ont livré un plan plus détaillé d'une maison à ossature de bois du XIe ou XIIe siècle.

Les époques modernes et contemporaines ne seront représentées dans ce bilan que par deux opérations un peu particulières, réalisées à Larceveau (Pyrénées-Atlantiques) sur une maison basque et, à Bordeaux, rue Camille-Sauvageau, sur les restes d'une raffinerie de sucre des XVIIIe et XIXe siècles.

Dans le premier cas, il s'est agi de procéder à une étude d'archéologie du bâti d'une maison basque classique, passant pour être d'origine médiévale. Son démontage systématique et la fouille de son sol ont permis de montrer qu'elle était construite dans le premier tiers du XVIIIe siècle sur un emplacement vierge de toute construction.

A Bordeaux, c'est toute une raffinerie de sucre avec ses fours, ses moules à pain de sucre, ses pots à mélasse, cheminées et hangars de stockage qui ont été analysés, fournissant une connaissance très détaillée de cette industrie jusqu'alors identifiée aux Antilles et à Nantes.


Archives de Fouille (de Nicolas ROUZEAU et Philippe COUPRIE)

Le service régional de l'archéologie a mis au point depuis le 1er janvier 1995 un système de gestion des archives de fouille pour l'application de la circulaire de juillet 1993 relative aux DFS.

Son principe repose sur l'exécution d'un cahier des charges remis aux titulaires d'opérations, qui vise à renseigner l'ensemble de la documentation produite par la fouille à l'aide d'une application développée sur le logiciel Filemaker Pro, et à la restituer sous une forme standard qui alimentera les bases de données du SRA et facilitera le traitement numérique

Ces fichiers sont voués à l'enregistrement des clichés photographiques, des relevés de terrain (minutes et mises au net), des dessins, des mobiliers et prélèvements, ainsi que des fiches d'US.

La conception de ces fichiers, qui a fait appel à une large concertation avec les utilisateurs, répond à la nécessité d'intégrer les tâches de saisie dans la phase de terrain sans modifier les critères d'évaluation des délais d'opérations préventives.

A l'issue de la période de post-fouille, le responsable d'opération remet le DFS en même temps que l'ensemble de la documentation de fouille, les fichiers renseignés, les clichés numérisés sur Photo-CD Kodak, les bromures résultant du passage au banc des formats d'édition supérieurs au A3, et la disquette contenant le texte du rapport (Word).

Ces documents sont alors traités de manière à composer la version portable (PDF) du DFS et alimenter la base de données du SRA par importation des fichiers Filemaker et des imagettes sur le logiciel ImageBase Pro.

Le fouilleur convient avec le responsable de la cellule DFS de la teneur de la version "livre électronique" de son rapport, et particulièrement de l'articulation des liens hypertextes créés à partir du logiciel Adobe Acrobat (Mac/Pc, reader libre).

La lecture du CD-Rom qui en résulte s'effectue soit par le texte et les liens qui l'associent aux illustrations, soit par un menu de mosaïques qui renvoient aux photographies, aux dessins, vectoriels ou scannés, et aux planches de matériels.

L'auteur de la fouille se voit remettre un exemplaire du CD, un autre rejoint le service de documentation où il constitue l'exemplaire d'usage préconisé par la circulaire de juillet 1993.

Par suite, les photographies originales sont déposées au service régional de l'inventaire équipé pour une conservation optimale des émulsions et le mobilier archéologique livré dans des contenants normalisés rejoint le dépôt de fouille du département.

Des discussions sont actuellement en cours avec les services départementaux d'archives pour convenir de la forme que prendra 1e dépôt de la part restante (plans, minutes ...) de ces archives.

Dans sa forme actuelle, la viabilité de ce système dépend de la mobilisation de moyens équivalents à 2000 F par mois/homme imputés sur les opérations préventives.

Ce mode de gestion des archives du sol devrait s'accompagner de mesures propres à traiter les ressources documentaires issues des fouilles antérieures à la circulaire de 1993. Les fonds photographiques et graphiques du SRA seront indexés en vue de leur traitement numérique et leur association au fichier de la carte archéologique.

Déjà une convention signée avec le département de Lot-et-Garonne vise à constituer "le répertoire des mobiliers archéologiques et de la documentation scientifique issus des fouilles conduites tant antérieurement que postérieurement à la loi validée du 27 septembre 1I 941, en vue d'en préciser la dévolution et en assurer la gestion".

La saisie photographique de l'ensemble des mobiliers présentant un intérêt significatif en raison de leur état de conservation ou de leurs particularités scientifiques sera assurée sous forme numérique.

Les fonds constitués avec le concours de l'ensemble des archéologues du département seront associés à une base de données descriptives reliée au fichier de la Carte Archéologique développée par l'Etat.

Une réflexion est désormais menée pour communiquer banques d'images et bases de données via un serveur W3.


Lascaux: un état des lieux avant travaux (de Jean-Michel GENESTE)

La grotte de Lascaux doit actuellement le maintien de son équilibre climatique à un système de contrôle complexe, conçu progressivement dès la fermeture au public, au début des années soixante.

Ce système repose sur une surveillance humaine permanente assistée d'un équipement implanté directement dans le site. Celui-ci a été réalisé en plusieurs étapes il y a une trentaine d'années sinon plus. II est en partie solidaire des structures d'équipement de la cavité qui datent de l'époque de la découverte et de l'ouverture au public de la grotte.

Les mesures draconiennes mises en oeuvre depuis une quinzaine d'années (traitement chimique, installations de régulation climatique, surveillance permanente par les services du Ministère de la Culture, visites exceptionnelles très contingentées et réservées en priorité aux spécialistes) assurent le maintien de l'équilibre biologique et climatique de la grotte et garantissent une bonne préservation de ce monument aussi fragile qu'exceptionnel.

Un vaste programme de réaménagement et de réactualisation de cet ensemble s'est avéré nécessaire.

Entrepris avant ma nomination et concrétisé en 1993 par la remise aux normes du réseau électrique, ce programme de travaux va devoir trouver des solutions rénovées dans un cadre qui rend difficile toute possibilité de modification de la structure d'accueil et des principes qui sont fixes et déterminés méthodologiquement. Une très grande circonspection est donc nécessaire dans la conduite des innovations. Pour apprécier les possibilités, un état des lieux détaillé s'imposait, car 1a connaissance et la documentation sur le système lui-même étaient très parcellisées et, pour des raisons évidentes de structuration administrative, localisées au sein de chacun des services co-responsables.

En 1993 a été constituée auprès du Directeur régional des Affaires culturelles d'Aquitaine, du conservateur du monument (nommé par arrêté le 11 mars 1992) et du Service régional de l'Archéologie, une commission de programmation des études et travaux relatifs à la protection de la grotte de Lascaux. Cette instance régionale réunit les compétences et les avis de tous les intervenants institutionnels des services régionaux et départementaux du Ministère de la Culture. Elle coordonne des actions menées pou r 1a conservation et la mise en valeur de la cavité ornée en aval de la Commission supérieure des Monuments historiques et concrétise les conduites pratiques de terrain toujours délicates.

La Commission régionale de la grotte de Lascaux a émis, dès le début de 1994, le souhait de réunir dans un document de synthèse un bilan scientifique et technique relatif aussi bien à la conservation des oeuvres pariétales elles-mêmes qu'aux principes de fonctionnement du système de contrôle de l'équilibre climatique, biologique et environnemental de la cavité ; la diversité des questions relatives à sa conservation justifiant de disposer d'un document de référence qui présenterait, en outre, un bilan de l'état des installations.

Depuis la fermeture de la grotte au public, le monument est maintenu dans un état climatique et biologique satisfaisant grâce au respect d'un certain nombre de facteurs stabilisants contrôlés par le biais de l'enregistrement régulier de paramètres qui font chacun l'objet dans ce rapport d'une présentation détaillée de la part des spécialistes responsables.

L'actuel document présente une synthèse technique des éléments de ce système de contrôle du milieu physique et biologique du site de Lascaux. Il conclut l'achèvement d'une phase de recherche documentaire et d'analyse technique des installations. Il est destiné en priorité à servir de cadre de référence aux études de l'Architecte en chef des Monuments historiques. Le document final est le fruit d'un travail de synthèse élaboré à partir des contributions fournies par les organismes concernés par la conservation du monument: Service régional de l'Archéologie de la Direction régionale des Affaires culturelles d'Aquitaine, Service départemental de l'Architecture de la Dordogne, Laboratoire de recherche des Monuments historiques, Direction régionale de l'Environnement, Laboratoire d'Hydrogéologie de l'Université de Bordeaux I.

Ce cahier des charges va permettre â l'Architecte en chef des Monuments historiques de proposer, sur des bases pluridisciplinaires, les choix méthodologiques, le phasage des travaux mais aussi les diverses solutions techniques (matériaux, espaces de protection, procédés techniques) de sa future étude de réaménagement.

La ligne de conduite, en matière de conservation et d'étude archéologique de la cavité, a été guidée par un souci constant de pluridisciplinarité, de contrôle et d'enregistrement continu des protocoles et des démarches analytiques. Le regard systémique, intégrant les paramètres scientifiques et techniques, s'est prolongé jusqu'au cadre conventionnel qui est apparu comme seul garant de transparence et de consistance méthodologique accessible à une évaluation scientifique. Plus largement, de tels aspects méthodologiques sont susceptibles de pouvoir s'appliquer à d'autres cavités paléolithiques ornées s'ils ne le sont pas déjà pour certains.


Introduction