Arisitum

L'ARCHEOLOGIE DANS LE CENTRE (1995)
BILAN ET RESULTATS

(Cher, Eure-et-Loir, Indre, Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Loiret)


Source: "Bilan Scientifique 1995", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles du Centre, Service Régional de l'Archéologie, 1996, pages 9 à 17.


Bilan et orientations de la recherche archéologique

L'année 1995 a connu une augmentation sensible du nombre d'opérations et de dossiers souvent scientifiquement essentiels.

Dans les villes, divers projets d'équipement ont donné lieu à des interventions parmi lesquelles se distingue la fouille des "Abords de la cathédrale" de Tours (Indre-et-Loire). Elle a permis de mettre au jour, en particulier, des maisons et une voie d'époque gallo-romaine ce qui est important pour cette période encore mal connue à Tours.

Il faut à Tours, et le débat est lancé, développer une structure archéologique en correspondance exacte avec la pratique actuelle de l'archéologie préventive. On s'appuiera sur le travail de qualité qui y a été réalisé depuis une vingtaine d'années.

Chartres (Eure-et-Loir) a connu comme toujours une forte activité. On notera la découverte inattendue d'un bâtiment de grandes dimensions, à caractère public (un temple?), ainsi qu'un bassin, une voie et diverses constructions, lors d'une évaluation lourde à la ZAC des Bas-Bourgs/Saint-Brice. Il s'agit d'un site majeur dont la conservation d'une partie des vestiges s'annonce vraisemblable. La collaboration excellente, et le travail de haute tenue des archéologues de la Maison de l'Archéologie sont d'un grand secours pour la conduite des opérations dans les meilleures conditions administratives et scientifiques.

L'archéologie préventive connaît en région Centre les mêmes difficultés et succès que dans les autres régions. Les interventions dans les carrières posent toujours des problèmes: délais d'intervention, financement, etc. Une convention est en négociation avec les associations professionnelles pour faciliter la prise en compte des projets très en amont et créer un fonds pour les évaluations archéologiques. Il est vraisemblable qu'elle pourra être signée en 1996. Cette année, et pour la première fois, la Région Centre a accepté de financer une fouille rendue nécessaire par l'agrandissement d'une carrière.

Les opérations programmées sont peu nombreuses mais suffisantes eu égard aux moyens disponibles. Elles sont inégalement réparties sur le territoire de la région mais à peu près également distribuées entre la Préhistoire et l'Histoire. Certaines recherches sont conduites depuis de longues années et l'on soulignera la qualité et l'intérêt des travaux à Auneau (Eure-et-Loir) ou Saint-Marcel (Indre) par exemple.

Les Projets collectifs de recherche sont soutenus avec une grande vigueur par le service régional de l'archéologie; ils présentent de nombreux avantages favorisant la confrontation des expériences. Aujourd'hui, eux seuls permettent de développer des programmes de portée régionale ou plus large: étude des parcellaires de la Protohistoire à l'époque médiévale ou des fermes indigènes de l'Age du Fer dans le nord de la France, de la céramique médiévale en région Centre.

La création de fonds pour l'archéologie préventive et la conduite des évaluations est un indéniable progrès. Cette création signe la coopération entre divers partenaires (communes, région, départements ou associations professionnelles) pour un travail de prévention des destructions du patrimoine. Un tel fonds est en cours de constitution à Pithiviers-le-Vieil (Loiret). Dans le cadre du Contrat de Plan Etat-Région, il existe désormais des fonds pour l'archéologie préventive dans la région de Drevant/La Groutte (Cher), Le Grand-Pressigny (Indre-et-Loire) et depuis quelques années déjà à Saint-Marcel/Argentomagus.

Le site des Châtelliers à Amboise (Indre-et-Loire) est très important par son occupation étendue et intense depuis le Néolithique jusqu'à l'Époque moderne. On y a fouillé anciennement un sanctuaire gallo-romain et des découvertes récentes ont conduit à rouvrir le dossier. La zone la plus sensible sera préservée à l'avenir, de tout projet de construction. Enfin, avec le concours de la ville d'Amboise, ce site pourrait faire l'objet de fouilles programmées pour peu qu'une équipe de chercheurs puisse être mobilisée.

La région Centre sera dotée d'ici quelques années, de plusieurs centaines de kilomètres d'autoroutes supplémentaires. L'A20 entre Vierzon et Brives a donné lieu cette année à divers travaux sur le contournement de Châteauroux (Indre). Une convention-cadre a été signée pour l'exécution des travaux archéologiques préalables à la réalisation de l'autoroute A77, de Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne) à Cosnes-sur-Loire (Nièvre), entre l'Etat, la SAPRR et l'AFAN. Les premières prospections ont pu commencer dès l'automne 1995 et les travaux se poursuivront jusqu'en 1997.

Enfin, il convient de mentionner, dix ans après l'achèvement des travaux, la parution dans la Revue Archéologique du Centre de la France d'une partie de la publication des résultats de la prospection de l'autoroute A71 (Bourges-sud du Cher).

Quatre sites majeurs ont été inscrits au Contrat de plan Etat-Région Centre.

Par ailleurs, l'étude préalable à la restauration de la fontaine a été commandée. Cette dernière sera précédée d'une ultime campagne de fouilles aux abords immédiats et sous les emmarchements. La restauration des temples a été retardée et s'effectuera en 1996. Reste la question du dépôt: les locaux sont acquis par l'Etat, il faut les aménager.

La Commission interrégionale de la recherche archéologique (CIRA) existe depuis octobre 1994. Elle donne un avis scientifique sur l'ensemble des opérations archéologiques de l'interrégion Centre-Nord, et s'est réunie neuf fois en 1995, le plus souvent à Orléans (ville-siège), parfois sur le terrain quand il le fallait. Rappelons que la Commission examine en début d'année les dossiers d'archéologie programmée et tout au long de celle-ci les opérations préventives. Elle donne son avis également sur les DFS et l'intérêt de leur publication.

Les collectivités territoriales font des efforts grandissants pour la recherche archéologique. Les chercheurs ont été incités à s'investir, avec l'association Archea, dans le débat préalable au renouvellement d'un contrat avec la Région Centre, d'aide à la recherche, la formation et l'animation. Les résultats sont bénéfiques puisqu'il y a une plus grande ouverture du contrat. En particulier, des moyens sont attribués à la Préhistoire régionale et à d'autres travaux jusqu'alors exclus, comme à Chartres par exemple. On regrettera l'absence d'aide à la recherche protohistorique.

Si par ailleurs, tous les projets avec la Région n'ont pu aboutir, celle-ci s'est investie dans des opérations d'archéologie préventive, consciente des enjeux scientifiques mais également économiques qui y sont attachées.

Un projet de réouverture et de développement du "Village gaulois" de Moulins-sur-Céphons (Indre) a été développé en partenariat avec la commune. Il n'a pu encore aboutir mais bénéficie du soutien de diverses collectivités: il pourrait voir le jour en 1996. De meilleurs contacts avec l'ONF ont permis d'envisager des conventions pour la protection et la surveillance de sites. Le site de Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) pourrait être le premier à en bénéficier.

C'est dans l'inventaire archéologique que le partenariat avec les collectivités territoriales trouve sa plus manifeste expression. On rappellera les travaux de terrain en Indre-et-Loire et Indre en collaboration avec les Conseils généraux. L'Indre soutient également financièrement d'autres projets archéologiques. Une convention-cadre a été signée avec les élus du Cher et le premier avenant a porté en 1995 sur l'inventaire archéologique du canton de Châteaumeillant. Le Conseil général du Loir-et-Cher pourrait se joindre ultérieurement à ces départements.

En résumé, 1995 a vu l'achèvement du "pré-inventaire" des cantons de Buzançais et de La Châtre (Indre), de ceux de Descartes et de Preuilly (Indre-et-Loire). Deux autres cantons sont en cours d'étude: Châtillon-sur-Indre (Indre) et Châteaumeillant (Cher). Ce "pré-inventaire" mené depuis 1992, recense les sites avec contrôle au sol des informations: il s'avère extrêmement fructueux.

Le dépôt de Moulins-sur-Céphons destiné essentiellement aux opérations du nord du département de l'Indre a été l'objet de travaux utiles à sa mise en service; une deuxième tranche permettra d'organiser les locaux d'accueil et de travail. Mais cette question des dépôts est toujours aussi sensible. Ceux-ci sont indispensables aux chercheurs; ce sont des lieux de dépôt du mobilier mais également d'accueil et de travail et doivent présenter des conditions satisfaisantes. Des conventions avec l'AFAN contribueront à régler cette question: c'est le cas pour le dépôt régional d'Orléans.

Un projet en Indre-et-Loire verra peut-être une solution en 1996, le dépôt de Tours s'avérant notoirement insuffisant pour un tel département. A Bourges et dans le Cher, les premières négociations pour la création d'un Centre archéologique départemental ont été ouvertes. L'idée est attrayante mais peu aisée à mettre en place. L'Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher sont mal pourvus et la situation ne parait pas pouvoir s'éclaircir à court terme. A Saint-Marcel (Indre), les travaux auront lieu en 1996.

L'atelier de traitement d'urgence du mobilier (Saint-Marcel-Indre) issu des fouilles régionales a une activité modeste mais efficace et ses travaux ont porté sur le mobilier des sites de Saint-Marcel mais également Tours (Indre-et-Loire), Issoudun (Indre), Levroux (Indre) ou Chartres (Eure-et-Loir).

Le rôle des séminaires organisés chaque année en collaboration avec les chercheurs et divers organismes (Archéologie et territoires/CNRS à Tours, par exemple) est de favoriser les échanges, confronter des points de vue, préparer des axes de recherche. Ces rencontres donneront lieu à de rapides publications de "littérature grise" diffusées régionalement. Citons: "Archéologie et pédagogie", séminaire organisé avec le musée du Grand-Pressigny et divers partenaires de l'Éducation nationale, et "Du Paléolithique au Mésolithique en région Centre" avec le concours de nombreux préhistoriens.

Des crédits ont été affectés depuis quelques années à la constitution d'une bibliothèque digne de ce nom au sein du service régional. En 1995, plus de trois cents nouvelles acquisitions sont venues la compléter. On constate d'ailleurs une hausse de la fréquentation des chercheurs et des étudiants. La consultation des DFS et rapports, désormais autorisée sous certaines conditions, a considérablement progressé pour atteindre plus de cent cinquante demandes en 1995 (seulement 7 en 1994). C'est un changement dans les mentalités. Les DFS deviennent de véritables instruments de recherche. Classés et gérés, leur existence doit ëtre portée à la connaissance de tous.

Pour une meilleure utilisation, les expériences nationales en cours, d'indexation et de saisie sur CD-Rom, nous indiquent les pistes de l'avenir.

La sous-direction de l'Archéologie soutient tout particulièrement la Revue Archéologique du Centre de la France qui regroupe désormais l'Ile-de-France, le Centre et l'Auvergne. Un nouveau comité de rédaction élargi a été constitué, le secrétariat de rédaction a été renforcé et une nouvelle formule sera proposée d'ici peu. C'est dans cette revue que doivent être publiés les articles de portée interrégionale. Le sommaire des prochains numéros témoignera de l'investissement du service régional et des chercheurs de la région Centre. Cet effort sera poursuivi et les chercheurs doivent mesurer pleinement l'impérieuse nécessité d'une diffusion de leurs travaux. A défaut, la recherche archéologique perd de son sens.

On ne saurait être complet sans aborder les réalisations en matière d'animation. Elles sont encore insatisfaisantes. L'Association pour le développement de l'archéologie urbaine à Tours a pu organiser une exposition sur les études d'un temple gallo-romain, rue E. Zola et celles de la chapelle Saint-Lazare. Le service a collaboré à l'organisation de la salle d'archéologie du nouveau musée d'Artenay (Loiret). Une exposition modeste a fait suite aux fouilles de l'aérodrome de Déols (Indre) comme à celles d'Issoudun (Indre), au sein du musée rénové. A Chartres, la Maison de l'Archéologie a une exposition consacrée aux découvertes du parvis de la cathédrale; celle-ci a connu un franc succès comme le catalogue qui est paru à cette occasion.

Autoroutes et archéologie :

La région Centre devrait être dotée, sous quelques années, de plusieurs centaines de kilomètres d'autoroute (pour six tracés) supplémentaires. Ces infrastructures de communication qui sont en cours de réalisation ou à divers stades d'étude de définition, génèrent ainsi des interventions archéologiques préventives de différentes natures, de l'étude documentaire à la fouille de sauvetage.

Si l'insertion de l'archéologie, dans le long processus qui aboutit à la définition, puis à la réalisation d'une autoroute, est désormais une procédure assez classique et uniforme sur le territoire national, la réalisation effective des études archéologiques, que l'on s'efforce de programmer en fonction d'un stade administratif ou décisionnel, connaît parfois des vicissitudes. En d'autres termes, le bilan 1995 concernant les autoroutes, largement positif, ne coïncide cependant pas toujours avec les prévisions.

Ainsi, le projet autoroutier A19 (anciennement A160), Artenay/Courtenay, était encore fin 1993 le projet le plus embryonnaire. En effet, de cette future autoroute, qui sera concédée et qui traversera le département du Loiret d'ouest en est sur environ 100km, seul un fuseau dit du kilomètre était arrèté à cette date. La décision politique d'accélérer la réalisation du schéma directeur autoroutier établi en 1986 et la volonté de la direction des Routes d'insérer, dans le dossier d'étude d'impact de la bande de 300m, un véritable volet "patrimoine archéologique", ont conduit le CETE de l'Est à solliciter le service régional de l'archéologie pour la réalisation d'une étude archéologique préliminaire. Cette étude, essentiellement documentaire et financée par le CETE, est en cours.

Sur le tracé de l'A20, autoroute non concédée de Vierzon à Brives, les opérations archéologiques se succèdent depuis 1991 au rythme de la mise en chantier de tel ou tel tronçon. En 1995, c'est la partie sud du contournement de Châteauroux qui a donné lieu à des interventions de terrain. Les prospections pédestres et mécaniques, puis les évaluations ont permis de reconnaître trois sites qui donneront lieu à une fouille préventive début 1996: un site de l'Age du Bronze final (Saint-Maur/Les Ressours), un vaste habitat gallo-romain et médiéval (Saint-Maur/Le Petit Colombier), un site du haut Moyen Age (Déols/Le Grand Brelay).

L'autoroute A28 d'Alençon à Tours comportera environ 30km de tracé en Indre-et-Loire. Bien que la bande dite des 300m ait été déclarée d'utilité publique en juillet 1993, aucune étude archéologique d'ensemble n'avait encore pu ëtre conduite. Seule une opération ponctuelle de diagnostic avait été réalisée en 1993 sur un important site gallo-romain sur la commune de Chanceaux-sur-Choisille. Après une période de latence de deux ans, les interventions archéologiques vont être lancées au début de l'année 1996. Le service régional de l'Archéologie des Pays-de-la-Loire, majoritairement concerné, assurera la coordination de ces opérations.

De Souppes-sur-le-Loing (Seine-et-Marne) à Cosne-sur-Loire (Nièvre), ce sont les 93km du projet autoroutier A77 (anciennement A67) qui font actuellement l'objet d'une opération archéologique, coordonnée par le SRA Centre. Après une longue période de gestation, une convention cadre, régissant les interventions archéologiques à réaliser préalablement aux travaux, a été conclue entre le maître d'ouvrage (SAPRR), l'Etat et l'AFAN. La prospection du tracé a ainsi pu être lancée en novembre 1995, pour une durée de cinq mois. A l'issue de cette première phase de reconnaissance, les évaluations complémentaires des sites ou indices répertoriés (environ une centaine) devraient commencer au début du printemps 1996.

Sur le tracé de l'autoroute A85, Angers-Tours, les interventions archéologiques, pilotées par le service régional des Pays-de-la-Loire jusqu'à Restigné (37), sont en cours d'achèvement. Il convient de mentionner que le passage de l'autoroute dans le lit majeur de la Loire a donné lieu à des prescriptions très strictes pour préserver l'environnement: hormis les ouvrages d'art de franchissement ou les rétablissements de réseaux, l'autoroute sera entièrement construite en remblais, sans terrassement préalable, après la pose d'un géotextile. Par voie de conséquences, les interventions archéologiques de terrain se sont résumées, de manière exceptionnelle à l'exploration des zones ponctuelles qui seront terrassées. A l'issue des prospections mécaniques et des évaluations, seul un site en Indre-et-Loire donnera lieu à une fouille préventive. Il s'agit d'un gisement de l'Age du Bronze (sans doute moyen) et du Haut Moyen-Age conservé en milieu humide, à Saint-Nicolas-de-Bourgueil, La Prairie du Cassoir.

Plus à l'est, le passage de l'autoroute au droit de Langeais étant jugée problématique, il a été décidé de mettre à l'enquête publique une version nord du tracé de l'A85, dite du contournement nord de Langeais, afin de confronter les deux solutions. Une étude archéologique documentaire a été conduite sur les 19km de bande de 300m de ce projet. En outre, une évaluation a été réalisée sur la zone de franchissement du coteau par le projet autoroutier à Langeais, secteur connu de longue date des préhistoriens puisqu'il recèle les gisements moustériens de La Roche Cotard.


Coopération archéologique avec la Roumanie (de Yannick RIALLAND)

Pour la troisième année consécutive, une équipe française, composée d'archéologues et de spécialistes de la région Centre, du Centre national d'archéologie urbaine, du Centre national de préhistoire et du CNRS, s'est associée aux fouilles archéologiques menées par le Musée national d'histoire de la Roumanie sur le tell d'Hîrsova.

Le programme de coopération franco-roumain, débuté en 1993, est coordonné par la mission des relations publiques et des affaires internationales de la direction du Patrimoine et le SRA du Centre. Il vise à développer de nouvelles méthodes de fouilles appropriées à ce site néolithique et chalcolithique très stratifié et à encourager l'analyse pluridisciplinaire.

Situé sur la rive droite d'un des bras du Danube, à environ 70km à vol d'oiseau de la Mer Noire, le tell néolithique et chalcolithique d'Hîrsova (département de Constanta) est l'un des plus grands de Roumanie et constitue potentiellement un site protohistorique de référence pour toute l'Europe du Sud-Est. Les autorités roumaines lui ont attribué le label de chantier archéologique pilote.

Les résultats obtenus par les archéologues roumains jusqu'en 1992 ont souligné le caractère tout à fait exceptionnel du tell et la nécessité de mettre au point une méthode de fouille s'inspirant des techniques employées en milieu urbain, pour améliorer l'analyse historique et ethnographique d'un site possédant une stratification aussi complexe. Un programme de collaboration méthodologique a ainsi pu être mis en place, afin d'assurer la formation d'archéologues roumains aux techniques de traitement de sites pluri-stratifiés et de mettre au point une adaptation de cette méthode pour des sites protohistoriques où l'architecture est en terre.

Le deuxième volet concerne les études pluridisciplinaires. Au travers d'une application directe sur le tell et surtout d'un plan de stages de spécialisation de chercheurs roumains en France, l'action engagée vise au développement du département des recherches pluridisciplinaires, laboratoire dont le Musée national d'histoire de Roumanie s'est doté il y a peu de temps.

On rappellera qu'en 1994, M. Constantin Haïta avait pu se perfectionner dans le domaine de la sédimentologie-micromorphologie appliquée à l'archéologie au laboratoire de Science des Sols et Hydrologie de L'INA P-G, sous la direction de Mme Marie-Agnès Courty et de M. Nicolas Fedoroff, tandis que M. Mihaïl Tomescu s'était, quant à lui, spécialisé dans le domaine de la palynologie archéologique au Centre national de préhistoire, sous la direction de Mme Marie-Françoise Diot.

En 1995, le laboratoire d'Archéozoologie du CRA-CNRS a accueilli M. Valentin Radu (ichtyologue) pour un stage de spécialisàtion de 6 mois, sous la responsabilité de Mme Nathalie Desse-Berset, afin qu'il se familiarise avec les diverses étapes de l'analyse archéo-ichtyologique. Durant la campagne de fouille 1995, la formation de terrain de Mme Iulia Tomescu, étudiante en géologie à l'université de Bucarest et qui se destine à une spécialisation en anthracologie, s'est poursuivie sous la conduite de Mlle Lucie Chabal. Mme Iulia Tomescu bénéficie d'un stage de six mois de spécialisation à l'anthracologie au laboratoire de Paléobotanique, Environnement et Archéologie de Montpellier depuis l'automne 1995. M. Dragos Moïse, ostéologue, sera quant à lui accueilli en 1996 au laboratoire d'Archéozoologie de Compiègne, sous la houlette de Mme Rose-Marie Arbogast. En attendant que la formation initiale à la carpologie de terrain puisse être dispensée sur place à un jeune chercheur ou à un étudiant confirmé dans le domaine de la botanique, l'étude carpologique est actuellement assurée par Ramon Buxo qui a continué à affiner la démarche méthodologique des travaux techniques sur le terrain.

Cette année, Mme Marie-Françoise Diot (CNP) a réalisé sur place, avec M. Mihaïl Tomescu, une séance de travail complémentaire du stage qu'il avait effectué en France. A cette occasion, des échanges fructueux entre les deux spécialistes en palynologie leur ont permis de faire le point sur les possibilités d'étude du site et d'affiner la stratégie globale des études palynologiques.

On peut, à l'issue de la campagne 1995, affirmer que la méthode de fouille et d'enregistrement mise en oeuvre de manière expérimentale est bien adaptée au tell d'Hîrsova, où toute l'architecture est en terre et en bois. On rappellera qu'en termes pratiques, la mise en application du nouveau système de fouille nécessite, compte tenu des méthodes employées antérieurement, de remettre en "phase chronologique" des ensembles diachrones d'un secteur à l'autre de la fouille, voire déconnectés du reste de la stratigraphie.

C'est désormais plus de la moitié de la surface de fouille qui a été remise en "phase chronologique", ce qui autorise maintenant, sur des superficies appréciables, d'aborder la fouille et la compréhension d'ensembles fonctionnels synchrones (habitations en terre conservées en élévation, avec leurs aménagements internes et leurs abords extérieurs) de la culture chalcolithique de Gumelnita, vers le milieu du Ve millénaire av. J.-C.

Cette année notamment, la fouille d'un imposant ensemble de tranchées de fondations appartenant à de vastes bâtiments a été achevée. L'ensemble le plus imposant, délimite un bâtiment rectangulaire d'au moins 12,5 m de long pour 6 m de large. Ces tranchées de fondations attestent l'existence de constructions, avec une structure porteuse en bois de grande résistance mécanique, ayant probablement eu des fonctions différentes dans l'organisation, l'aménagement et l'utilisation de l'espace du site.

Conformément aux observations faites à la fin de la campagne 1994, la fouille de cette année a permis d'aborder une habitation en terre, non brûlée. Partiellement située sous une aire de rejets domestiques, une épaisse couche de destruction de l'habitation avait scellé les sols construits en terre battue et leurs niveaux d'utilisation millimétriques, ainsi que les différentes parois en terre (cloisons et murs) conservées en élévation sur plusieurs dizaines de centimètres et une structure de combustion (four domestique?) conservée elle aussi en élévation.

La découverte la plus spectaculaire de 1995 est sans conteste la mise au jour, sur une grande surface, de soubassements en bois d'une habitation. Des troncs refendus et juxtaposés constituaient une plate-forme rigide sur laquelle ont été établis des sols en terre battue refaits régulièrement.

D'une manière générale, il se confirme que les différentes constructions de la culture Gumelnita respectent, au cours du temps, une orientation privilégiée, et même, dans un certain nombre de cas, des emplacements à peu près identiques. Cela est la marque d'une organisation et d'une gestion de l'espace habité assez rigoureuse, qui témoigne sans doute d'un processus d'urbanisation en cours, voire acquis.

Parmi les différents types d'activités reconnus, la première sépulture découverte sur le tell mérite une mention spéciale. II s'agirait d'un enfant de moins de 15 ans inhumé, pieds et poings liés, en position très contractée, après avoir été déposé dans un contenant qui serait un sac ou un panier en vannerie.

A l'issue de ce programme, fin 1996, l'équipe roumaine devrait étre en mesure de mener à bien une recherche de pointe n'ayant pas d'équivalent en Roumanie: collecte et traitement des données stratigraphiques et adaptation des modes d'investigation archéologique et pluridisciplinaire à la nature des vestiges étudiés. Compte tenu de la qualité et de la richesse du tell, l'enjeu est de taille: à terme, les connaissances sur les modes de vies des populations néolithiques et chalcolithiques du Bas Danube pourraient bien être largement renouvelées.

A l'automne 1996, au IIe Colloque International sur le Néolithique du Bas Danube, les différents chercheurs roumains impliqués sur la fouille du tell présenteront une synthèse des résultats déjà acquis. A cette occasion, la direction du Patrimoine et le Musée national d'histoire de la Roumanie ont décidé de s'associer pour coproduire une exposition, à destination du grand public, portant sur la vie quotidienne au bord du Bas Danube il y a environ 6500 ans. Cette exposition, inaugurée à Bucarest, devrait ensuite être présentée en France et notamment en région Centre.


Résultats scientifiques significatifs

Deux opérations de fouille programmée ont concerné le Paléolithique supérieur. A Eguzon (Indre), le site solutréen de Fressignes est étudié depuis une douzaine d'années. Les derniers travaux ont mis en évidence des aires d'activités techniques et ont permis de préciser les séquences d'occupation. C'est également au Solutréen que se rapporte le site de Bossay-sur-Claise (Indre-et-Loire). Un amas de façonnage de feuilles de laurier, parfois de très grandes dimensions, et un autre amas de débitage laminaire, bien conservés, ont été fouillés tandis que l'existence de deux niveaux archéologiques distincts a été confirmée.

C'est désormais une vingtaine de structures en creux du Mésolithique moyen et final qui est reconnue à Auneau (Eure-et-Loir), cas exceptionnel pour cette période. Par ailleurs, les deux crânes d'Aurochs découverts en 1993 ont été datés d'environ 8000 ans av. J.-C. et constituent les plus anciens vestiges du site.

A Muides (Loir-et-Cher), la couche mésolithique a été fouillée sur une centaine de mètres carrés. Le matériel, mis à part trois "pics beaugenciens", évoque plutôt le Mésolithique final atlantique.

Sur la carrière des Ténières à Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Indre-et-Loire), l'évaluation a révélé plusieurs fosses néolithiques. Un vase caractéristique du Villeneuve-Saint-Germain constitue un témoin supplémentaire de cette culture dans le Val de Loire. A Fontenay-sur-Loing (Loiret), une importante implantation de la transition Néolithique ancien/moyen I a été mise en évidence lors de l'exploitation d'une carrière. L'enceinte palissadée du Néolithique moyen I de Muides (Loir-et-Cher) est désormais connue, sans interruption, sur près d'une centaine de mètres de longueur. De dimensions variables, le fossé, à profil en V, peut atteindre 1,50 m de profondeur avec des poteaux régulièrement espacés.

A Auneau (Eure-et-Loir), les travaux se sont poursuivis sur la sépulture sous dalle et son tumulus, ainsi que sur le bâtiment situé à l'ouest de cet ensemble funéraire. L'occupation du site au Néolithique moyen I se précise mais son importance par rapport à celle du Chasséen reste à déterminer.

Sur le site mégalithique de Changé à Saint-Piat (Eure-et-Loir), les dernières recherches ont précisé la chronologie et les utilisations des monuments. Entre la phase funéraire et la condamnation définitive, pourrait prendre place un changement de fonction, de caractère cultuel ou cérémoniel.

A Malesherbes (Loiret), la fouille du Dolmen de Mailleton a porté en 1995 sur le tumulus et la recherche de son extension. Plusieurs dépôts de mobilier ont été mis au jour vase du Néolithique final, lames denticulées, poinçons en os, mollette.

La dernière campagne sur le site du Foulon à Abilly (Indre-et-Loire) a montré que les niveaux d'occupations du Néolithique final étaient partiellement érodés, bien que des structures soient parfois conservées.

Toujours dans le secteur du Grand-Pressigny, le recalibrage d'un collecteur à Neuilly-le-Brignon a permis d'étudier les coupes d'une dizaine de structures d'exploitation du silex de la même période.

Une évaluation réalisée lors de l'ouverture d'une carrière à Sainte-Thorette (Cher) a révélé des structures de la fin du Néolithique: fosses, bâtiment, avec céramique et matériel pressignien.

C'est également lors d'une évaluation, sur un point de franchissement de l'A85 à Saint-Nicolas-de-Bourgueil (Indre-et-Loire) qu'ont été sondés des niveaux humides stratifiés livrant des bois et du matériel archéologique. Plusieurs céramiques ont été découvertes parmi lesquelles un vase décoré du Bronze ancien, tandis qu'une datation du Bronze moyen a été obtenue sur un tronc.

L'allongement de la piste de l'aéroport international de Châteauroux-Déols (Indre) a conduit à la fouille de structures en creux de l'âge du Bronze. Deux phases d'occupations ont pu être identifiées par les lots céramiques, d'une part de la tin du Bronze moyen et d'autre part du Bronze final I-IIa. Le fort arasement n'a pas permis de déceler d'organisation spatiale des vestiges, mais leur présence sur trois hectares est la preuve d'une importante implantation humaine à ces périodes, peu connues dans la région. Deux enclos circulaires, d'environ 10 m de diamètre, pourraient être attribués au Bronze final.

Un bâtiment de l'âge du Bronze final est à signaler à Muides (Loir-et-Cher), ainsi que de nouvelles fosses, livrant toujours un abondant mobilier domestique.

A Sainte-Thorette (Cher), le diagnostic a révélé également deux enclos circulaires et une incinération en urne du Bronze final, qui font vraisemblablement partie d'une même nécropole.

A Saumeray (Eure-et-Loir), une nouvelle campagne de sauvetage sur la carrière GSM, sur trois hectares, a livré près de 400 structures en creux. Quatre enclos circulaires se rapportent à la fin de l'âge du Bronze. Trois palissades, plus récentes, sont antérieures au parcellaire de la Tène finale et à plusieurs bâtiments témoignant d'activités agro-pastorales (grange, greniers, enclos à bestiaux...), bien qu'un enclos carré ait été également fouillé. Enfin, un édifice quadrangulaire, d'abord sous forme de petit fossé encadré de poteaux, puis d'un bâtiment d'environ 20 m de côté, aux murs maçonnés, a fonctionné depuis le milieu du Ier s. jusqu'au IVe s. ap. J.-C. Entouré de quelques sépultures seulement (incinérations et inhumation), il s'agirait d'un édifice cultuel original d'un type peu connu en France.

Dans le Loir-et-Cher à Pierrefitte-sur-Sauldre, le site des Tombelles du début du premier âge du Fer, a fait l'objet d'une campagne de fouilles. A la suite de l'opération de sauvetage de 1994, la reconnaissance précise du tertre funéraire était nécessaire. Autour de la sépulture, la fouille a montré une architecture en matériaux périssables complexe et originale. Le plan de la nécropole a permis de recenser 32 tertres organisés en plusieurs groupements.

A Bourges (Cher), le site du chemin de Gione, dans la Zac de Lazenay, qui fait l'objet d'une étude depuis quelques années, a livré une concentration de grandes fosses interprétées comme des structures de stockage. Ces silos sont comblés pour la plupart par un remplissage naturel mais plusieurs ont livré des squelettes généralement inhumés postérieurement à l'utilisation des silos. Deux cas laissent penser que le corps a subi un rituel particulier. L'habitat n'a pas encore été découvert mais ne saurait être très éloigné. La grande majorité du mobilier est attribuable aux IIIe et IIe s. av. J.-C.

L'étude archéologique des Graviers du Péage à Sérazereux (Eure-et-Loir) a livré une occupation discontinue depuis le Néolithique jusqu'à la Tène III, cette dernière période apparaissant comme la mieux structurée: ferme indigène dont le plan peut-être esqulssé, enclos, batterie de silos, etc.

L'oppidum des Châtelliers à Amboise (Indre-et-Loire) est un site majeur en particulier pour les questions liées à la romanisation. Une évaluation a mis en évidence la présence de fosses contenant un mobilier abondant attribuable à la période de la conquête ou peu auparavant.

C'est au IIe s. av. J.-C que l'on trouve les premières traces d'occupation aux Vallées à Saint-Aignan-des-Gués (Loiret). Trois phases entre le IIe s. av. J.-C et le Ier s. ap. J.-C ont été mises en évidence: il s'agit d'une agglomération originale en Val-de-Loire, du type "village", aux nombreuses constructions. Un abondant mobilier y a été mis au jour.

Le site des abords de la cathédrale de Tours (Indre-et-Loire) permet une nette progression de nos connaissances sur la ville gallo-romaine: une voie, des maisons comportant plusieurs états ont pu y être étudiés à partir de la première moitié du Ier s. de notre ère.

Dans l'Indre-et-Loire toujours, à Amboise, sur l'oppidum des Châtelliers, des travaux ont permis de confirmer l'importance de la zone cultuelle aux environs du fanum par la découverte d'un second temple et d'un petit bâtiment d'époque gallo-romaine.

A Pithiviers-le-Vieil (Loiret), une évaluation au lieu dit "Les Jardins du Bourg" a confirmé l'extension de l'agglomération gallo-romaine en périphérie des thermes anciennement fouillés.

Les travaux archéologiques antérieurs à la réalisation de la voie autoroutière de contournement de Châteauroux dans l'Indre, ont confirmé toute l'importance, au Grand Colombier, d'un site gallo-romain dont un fanum est connu anciennement par photographie aérienne: murs conservés en élévation, fosses, structures diverses, paraissent indiquer l'existence d'une petite agglomération.

Chartres (Eure-et-Loir) a fait l'objet au lieu dit "Les Bas Bourgs/Saint-Brice" d'une évaluation lourde. Les découvertes sont conséquentes pour la période gallo-romaine: importants murs larges de près de deux mètres, voie, bassin, bâtiments divers. Les données architecturales et lapidaires indiquent la présence d'un ensemble public et probablement cultuel, inattendu ici, et de grande ampleur. Non loin, une fouille, rue Saint-Brice, a livré une occupation dès la période gallo-romaine précoce mais un atelier de potier s'installe au milieu du Ier s. alors que le site connaît des aménagements. Tout indique également une activité métallurgique proche. Le site sera abandonné au IIIe s.

C'est encore lors des travaux autoroutiers du contournement de Châteauroux (Indre), au Grand Brelay, qu'un site d'habitat du haut moyen âge a été repéré et évalué: il s'apparente à une petite agglomération villageoise.

A Noyant-de-Touraine (Indre-et-Loire), c'est un bâtiment probablement attribuable à l'Antiquité tardive et surtout une nécropole du haut Moyen Age qui ont pu être étudiés.

Saint-Florent-sur-Cher (Cher) est une petite agglomération gallo-romaine. Une première fouille conduite au centre de l'agglomération actuelle a mis en évidence cette occupation gallo-romaine puis un cimetière et une occupation du haut Moyen Age avant la présence d'un cimetière médiéval.

La fouille des abords de la cathédrale de Tours (Indre-et-Loire) a livré une occupation et partie d'un cimetière médiéval. La fouille d'une latrine de l'Hôtel-Dieu a favorisé l'étude d'un abondant mobilier du XVI s.


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