Arisitum

L'ARCHEOLOGIE EN ILE-DE-FRANCE (1992)
BILAN ET RESULTATS

(Essone, Paris, Hauts-de-Seine, Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise, Val-de-Marne, Yvelines)


Source: "Bilan Scientifique 1992", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles d'Ile-de-France, Service Régional de l'Archéologie, 1993, pages 7 à 12.


Préface (de Jean-Claude BLANCHET, Conservateur régional de l'archéologie)

En 1991, le Ministère de la Culture, Direction du patrimoine, Sous-direction de l'archéologie, a décidé la publication d'un bilan scientifique annuel régional qui serait diffusé rapidement auprès des responsables administratifs et scientifiques, de la communauté archéologique et des instances régionales, départementales et municipales intéressées.

Dans ce bilan de l'année 1992, on trouvera les principaux résultats significatifs acquis ou en cours d'élaboration sur les chantiers de fouilles, les programmes de recherche, les prospections, la carte archéologique et les grandes orientations de la recherche. Le plus souvent, les auteurs des notices sont les responsables des chantiers ou des projets scientifiques qui ont bien compris qu'il était important de présenter les résultats synthétiques de leurs travaux. Nous tenons tous à les remercier pour les activités qu'ils mènent dans la région et pour les efforts supplémentaires que nous leur demandons.

Dans le bilan de 1991, nous avons rappelé, dans la première partie, les grandes lignes des programmes scientifiques de la recherche en Île-de-France, avec à la fois ses points forts et ses faiblesses.

Dans ce nouveau bilan nous n'avons pas repris dans le détail les programmes, mais nous avons simplement indiqué les nouveaux apports dans un contexte général.

Comme nous l'avons déjà souligné, il serait nécessaire de développer en Île-de-France d'autres projets collectifs régionaux et inter-régionaux sur des actions thématiques programmées, en relation avec les équipes pluridisciplinaires.

Il existe actuellement simplement deux projets collectifs. Le premier, le plus ancien, concerne "L'ethnologie des habitats magdaléniens du Bassin parisien" (coordinateur : Michèle JULIEN) et le deuxième vient d'être lancé sur l'époque romaine tardive en Île-de-France (coordinateurs : Paul VAN OSSEL et Pierre OUZOULIAS.

Le service régional de l'archéologie d’Île-de-France connaît toujours des difficultés matérielles dans son fonctionnement. La double implantation géographique au Château de Vincennes et au palais de Chaillot ne facilite guère la cohérence et la gestion du service. Toutefois, le dossier de réunification des bureaux dans des locaux neufs à Saint-Denis progresse et le déménagement devrait s'effectuer pendant le premier semestre de l'année 1994.

Toutes les conditions sont peu à peu réunies pour que l'Île-de-France parvienne à un plus grand dynamisme dans la recherche scientifique régionale.


Bilan et orientations de la recherche archéologique (de Jacqueline DEGROS)

Les grandes lignes des recherches actuelles en Île-de-France, dans les domaines de la Pré- et Protohistoire, ont été exposées l'an dernier (cf. Bilan scientifique 1991) et demeurent, pour l'essentiel, valables.

Trois périodes principales fournissent toujours la majeure partie des résultats acquis en 1992 : la fin du Paléolithique supérieur, le Néolithique moyen et la Protohistoire depuis le Bronze récent.

Toutes périodes confondues, quatre points méritent d'être soulignés, les deux premiers (place des fouilles programmées et de l'archéologie préventive) étant également valables pour les périodes historiques, les derniers (rôle des "Programmes de recherches" et apparition de nouveaux éléments-moteurs dans les équipes) pour l'instant plus particuliers à la Préhistoire : les fouilles programmées sont en petit nombre (en préhistoire, 3 et un "projet collectif de recherche") mais d'une qualité qui n'est plus à démontrer.

L'archéologie préventive occupe, de par le nombre d'opérations, une place prépondérante dans l'activité de la région (avec des différences géographiques considérables dont il conviendrait d'examiner de près les diverses causes) et apporte souvent des données capitales mais, de moins en moins, on ne saurait établir une dichotomie entre ce mode d'intervention et la recherche dite "programmée". On assiste au contraire depuis peu en Île-de-France, à des tentatives réussies d'organisation de travaux en commun ou complémentaires par le moyen de "Projets" ou "Programmes" dont l'utilité s'affirme.

Ainsi, pour le Paléolithique, le projet collectif "Ethnologie des habitats magdaléniens de Bassin parisien" (resp. : M. Julien, C.N.R.S.) après avoir un peu piétiné dans ses premières années d'existence a désormais trouvé un mode de fonctionnement efficace. Il peut offrir un lieu de réflexion et de confrontation stimulantes aux chercheurs ayant mené, dans des conditions pratiques et méthodologiques obligatoirement diverses, aussi bien les fouilles programmées "classiques" d'Île-de-France (Pincevent, Etiolles) que des opérations de sauvetage (Marolles-sur-Seine, Donnemarie-Dontilly) ou de prospections (confluence de la Seine et de l'Epte).

Un autre programme structuré, celui-là non pour des raisons thématiques mais à cause du contexte économique et du potentiel du terrain, impose maintenant son bien-fondé : depuis l'été 1991, les interventions d'urgence entraînées dans le sud Seine-et-Marne par l'exploitation intensive du gisement alluvial de la confluence Seine/Yonne sont gérées, quelle que soit la période concernée, dans le cadre du programme prévisionnel "Opération archéologique de la Bassée", coordonné par Daniel Mordant, archéologue départemental de Seine-et-Marne et objet d'une convention quadripartite entre l'Etat, le département, la profession des carriers et l'A.F.A.N. En 1992, une douzaine de sauvetages ont été menés selon ces modalités.

Enfin, en lien évident avec la mise en oeuvre des programmations évoquées ci-dessus, une évolution intéressante se confirme cette année : les équipes existantes intègrent quelques jeunes chercheurs, par le biais de travaux universitaires (ce qui se faisait déjà) mais aussi, davantage, de contrats A.F.A.N. On peut ainsi espérer que s'amorce un nécessaire renforcement, sinon un renouvellement.

L'activité de l'année peut maintenant être brièvement évoquée.

Le Paléolithique (P 5, P 6, P 7)

La prépondérance des travaux sur le Paléolithique supérieur final demeure mais une intervention a néanmoins porté sur un site aurignacien en raison d'un projet de golf (Herbeville, 78. responsable : J.-M. Gouedo, S.R.A.). A défaut de structures organisées, l'abondant matériel lithique retrouvé vient combler une lacune pour cette période dans le Bassin parisien.

Pour le Magdalénien, en dehors de Pincevent et d'Etiolles, l'intérêt de trois sites révélés l'an dernier dans le sud Seine-et-Marne s'est précisé : en Bassée, à Marolles-sur-Seine "le Tureau-des-Gardes" et à Barbey (resp. : D. Mordant, L. Lang, S. Renaud et F. Seara), gisements proches l'un de l'autre et également voisins de celui du Grand-Canton fouillé de 1989 à 1991 sur le tracé de l'autoroute A5.

Les décapages de gravières ont révélé des occupations diversifiées (foyers, matériel lithique et, à Marolles où la fouille n'est pas achevée, faune où domine le cheval). Le sauvetage de Donnemarie-Dontilly (resp. : P. Bodu et B. Valentin) continue, lui, à donner un abondant matériel lithique dont les affinités avec les industries de type Long Blade Technology sont manifestes.

Dans les départements des Yvelines et du Val d'Oise, la prospection systématique des falaises de la Seine et de l'Epte a été poursuivie (resp. : M. A. Charier, G. Marchand). Pour les premières, 19 abris ont été repérés comme similaires à celui de la Côte-Masset, à Bonnières-sur-Seine (cf. Bilan scientifique l991) et demanderont une campagne de sondages pour vérifier s'ils contiennent bien des niveaux préhistoriques.

Le Néolithique (P 12, P 16)

Cinq sites, tous référables au Néolithique ancien ou moyen, ont fait l'objet d'interventions, parfois de grande ampleur.

L'achèvement du sauvetage de Jablines "la Pente de Croupeton" (77) (resp. : Y. Lanchon) a complété la connaissance de l'habitat Villeneuve-Saint-Germain en livrant les vestiges de la grande maison que les campagnes antérieures laissaient pressentir tandis que, non loin de là, une intervention en carrière à Fresnes-sur-Marne (resp. : P. Brunet) portait également sur au moins une habitation VSG qui est à relier à la sépulture individuelle fouillée en 1990.

Le Cerny continue à être très présent dans nombre de sites : la fouille programmée pluriannuelle du camp fortifié de Boulancourt (77) (resp. : D. Simonin) a poursuivi le dégagement de la palissade néolithique; en sauvetage d'intéressants éléments de décors ont été recueillis à Changis-sur-Marne (77) (resp. : C. Drouhot, S.R.A.) et à Balloy "les Réaudins" (resp. : D. Mordant) six nouveaux longs monuments funéraires fossoyés ont pu être étudiés.

C'est encore au Cerny qu'appartient une partie du remarquable mobilier céramique mis au jour en 1992 à Paris, sur le site de Bercy (resp. : Y. Lanchon) en même temps qu'une importante occupation chasséenne; le sauvetage du secteur dénommé "Quartier sud" a en effet livré, sur la rive gauche du chenal précédemment repéré, outre la sépulture de deux enfants, une surabondance de matériel en bon état de conservation (vases entiers, outillage en matières osseuses et les éléments de plusieurs nouvelles embarcations qui ont rejoint celles de l'an dernier pour traitement au Laboratoire ARC-Nucléart de Grenoble).

Les découvertes effectuées sur ces divers sites convergent pour remettre en question la conception actuelle des cultures du Néolithique moyen, en particulier du Cerny dont la complexité apparaît de plus en plus nettement (présence ou non, selon les sites, d'un faciès Barbuise, contemporanéité éventuelle avec certain Chasséen, etc.).

La Protohistoire (P 15, P 17, H 9, H 10)

Le nombre d'interventions portant sur la Protohistoire, depuis la fin de l’Âge du Bronze, est élevé : en dehors de l'éperon barré de Boulancourt. déjà cité, pratiquement tous les décapages extensifs en carrières dans les vallées alluviales de la Seine, de l'Yonne et de la Marne entraînent la mise au jour d'occupations de l’Âge des Métaux.

Ainsi, à Varennes-sur-Seine "le Marais des Rimelles" (77) (resp. : P. Brunet et C. Drouhot), plusieurs fosses domestiques ont livré un abondant matériel céramique référable au Rhin-Suisse-France orientale. La transition Bronze final IIIb/Hallstatt ancien est présente à Boulancourt où les aménagements de retranchements sont accompagnés d'une couche d'habitat ainsi qu'en Bassée (Bazoches-lès-Bray, Marolles-sur-Seine "Motteux", la Tombe, resp. : P. Gouge et J.-M. Seguier) et en vallée de Marne (Changis et Fresnes-sur-Marne, resp. : C. Drouhot et P. Brunet). Sur ce dernier site, des éléments de fossés appartenant à une installation agricole de la fin de la Tène ont également été étudiés (S. Marion).

Il faut enfin mentionner la découverte sur la carrière de Varennes-sur-Seine "les Rimelles" d'une grande fosse polylobée utilisée pour la sépulture d'un jeune individu qui avait été recouvert d'un premier dépôt de trois chevaux, dont un poulain et un chien, puis à nouveau, après un apport de sédiments stériles, d'un second dépôt semblable, moins le poulain. Aucune comparaison n'a pour l'instant été trouvée pour cette étonnante structure, dépourvue d'objets mobiliers et dont l’attribution chronologique à l'intérieur de la Protohistoire devra être précisée (étude en cours par P. Meniel et A. Bulard).

---

PROJET COLLECTIF

P 6 - Ethnologie des habitats magdaléniens du Bassin parisien (coordinateur : Michèle JULIEN)

Depuis quelques années, les recherches s'orientent dans deux directions complémentaires : d'une part, l'étude au niveau régional par de petites équipes du peuplement tardiglaciaire de la région; d'autre part, l'étude par un spécialiste de thèmes transversaux communs aux grandes fouilles programmées d'Etiolles, Marsangy, Pincevent et Verberie, et, lorsque cela est possible, aux autres gisements contemporains.

En 1992, les recherches ont surtout porté sur l'analyse de sites récemment découverts ou redécouverts, dans le cadre du programme sur le peuplement, au sud-est et à l'ouest de l'Île-de-France.

LE PEUPLEMENT DU BASSIN PARISIEN AU TARDIGLACIAIRE

Le sud-est de l'Île-de-France : la région Seine-Yonne

I. Nouvelles recherches sur le peuplement magdalénien de l'interfluve Seine-Yonne : Le Grand Canton et le Tureau des Gardes à Marolles-sur-Seine (Seine-et-Marne). (P. Alix, A. Averbouh, L. Binter, P. Bodu, A. Boguszewski, C. Cochin, V. Deloze, P. Gouge, V. Krier, C. Leroyer, D. Mordant, M. Philippe, J.-L. Rieu, P. Rodriguez et B. Valentin)

Ce travail collectif a fait l’objet d'un article qui doit être publié dans le Bulletin de la Société Préhistorique Française. L'un des intérêts de ce travail est qu'il met en parallèle deux gisements voisins, récemment découverts dans le cadre d'opérations de sauvetage distinctes : les travaux de l'autoroute A5 et l'ouverture d'une carrière par la Société des Sablières de Marolles-sur-Seine.

Les deux sites magdaléniens, proches l'un de l'autre, se trouvent à l'extrémité occidentale de la Bassée, à quelques kilomètres en amont de la confluence Seine-Yonne. La comparaison porte sur le contexte géomorphologique et environnemental, l'organisation spatiale et les structures de combustion, la faune et le matériel lithique.

D'un point de vue culturel, une parenté est constatée entre les deux gisements avec la présence de quelques pointes à dos associées à de nombreuses lamelles à dos. Les restes de chevaux sont très largement prédominants (95 % environ) mais quelques restes de rennes sont aussi attestés. Il semble que la fonction des deux sites soit liée à une chasse spécialisée du cheval, à la différence de Pincevent, situé seulement à une douzaine de kilomètres en aval. La poursuite des recherches permettra sans doute de préciser si les différences observées entre Marolles et Pincevent sont d'ordre saisonnier ou chronologique.

II. L'industrie à pièces mâchurées de Donnemarie-Dontilly (Seine-et-Marne) : un faciès tardiglaciaire inédit dans le Bassin parisien (P. Bodu et B. Valentin)

Cet article, paru dans « Préhistoire Européenne » (volume 1, 1992), fait le bilan de la première campagne de fouille réalisée en 1991 à la suite de découvertes en surface d'un abondant matériel lithique. Le site se trouve sur le rebord du plateau de la Brie, à une dizaine de kilomètres au nord-est de l'interfluve Seine-Yonne.

L'analyse technologique met en évidence un style de débitage particulier, sans rapport avec le Magdalénien. Ce mode de débitage et la grande abondance de lames mâchurées rappellent en revanche des industries du Paléolithique terminal connues dans le nord de la France, en Angleterre et dans le nord de l'Allemagne. Ce nouveau site témoigne donc d'un autre courant d'influence culturelle à l’extrême fin du Paléolithique dans le Bassin parisien.

En 1992, un nouvelle campagne de fouille a mis au jour, sur de plus grandes surfaces, d'importantes concentrations de débitage, séparées par de vastes zones vides ainsi que quelques pierres chauffées; ces dernières pourraient suggérer des activités de combustion proches. Il est probable, toutefois, que le site a plus eu une fonction d'atelier que de véritable habitat.

L'ouest de l'Île-de-France : la région Seine-Epte

III. Bonnières-sur-Seine : L'abri-sous-roche de la Côte Masset (Yvelines). (G. Habasque, M.-A. Charier, B. Barois-Blasquin, F. Lécolle avec la collaboration de C. Leroyer, M. Levant, N. Limondin, J.-C. Ozouf et J. Quillard)

Dans l'ouest de l'Île-de-France, seule zone de la région où cela était possible, un programme de recherche de sites stratifiés en abri ou en grotte a été entrepris en 1991. Il a débuté dans les Yvelines par la réouverture de la fouille d'un abri anciennement connu à la Côte Masset (Bonnières) et la prospection, entre Bonnières et Port-Villez, de l'ensemble des barres rocheuses au-dessus de la rive gauche de la Seine.

Les principaux résultats de cette opération sont présentés dans le rapport de fouille élaboré par le Service départemental des Yvelines. Ils confirment l'existence, vers la fin du Pléniglaciaire Weichsélien, d'un Magdalénien classique à lamelles à dos dans cette région quelque peu excentrée par rapport à l'aire d'influence du sud-est de l'Île-de-France. Le site de Bonnières paraît avoir servi de simple halte, peut-être pour s'approvisionner en silex. Les rares restes osseux appartiennent presque exclusivement au cheval.

Le programme de recherches se poursuit actuellement en face, sur la rive droite de la Seine, où une campagne de prospection de trois mois a été entreprise à l'initiative du Service départemental du Val d'Oise. Il est prévu ensuite d'effectuer des sondages dans onze des abris repérés dans les Yvelines.


Résultats scientifiques significatifs

La prépondérance des travaux sur le Paléolithique supérieur final demeure mais une intervention a néanmoins porté sur un site aurignacien en raison d'un projet de golf à Herbeville (Yvelines). A défaut de structures organisées, l'abondant matériel lithique retrouvé sur ce dernier site vient combler une lacune pour cette période dans le Bassin parisien.

Pour le Magdalénien, en dehors de Pincevent et d'Etiolles, l'intérêt de trois sites révélés l'an dernier dans le sud de la Seine-et-Marne s'est précisé : en Bassée, à Marolles-sur-Seine "Le Tureau des Gardes" et à Barbey, gisements proches l'un de l'autre et également voisins de celui du Grand-Canton, fouillé de 1989 à 1991 sur le tracé de l'autoroute A5, les décapages de gravières ont révélé des occupations diversifiées (foyers, matériel lithique et, à Marolles où la fouille n'est pas achevée, faune où domine le cheval). Le sauvetage de Donnemarie-Dontilly continue, lui, à donner un abondant matériel lithique dont les affinités avec les industries de type "Long Blade Technology" sont manifestes.

Cinq sites, tous référables au Néolithique ancien ou moyen, ont fait l'objet d'interventions, parfois de grande ampleur. L'achèvement du sauvetage de Jablines "La Pente de Croupeton" (Seine-et-Marne) a complété la connaissance de l'habitat Villeneuve-Saint-Germain, en livrant les vestiges de la grande maison que les campagnes antérieures laissaient pressentir tandis que, non loin de là une intervention en carrière à Fresnes-sur-Marne portait également sur au moins une habitation V.S.G. qui est à relier à la sépulture individuelle fouillée en 1990.

Le Cerny continue à être très présent dans nombre de sites : la fouille programmée pluriannuelle du camp fortifié de Boulancourt (Seine-et-Marne) a poursuivi le dégagement de la palissade néolithique; en sauvetage, d'intéressants éléments de décors ont été recueillis à Changis-sur-Marne et à Balloy "les Réaudins" (Seine-et-Marne), six nouveaux longs monuments funéraires fossoyés ont pu être étudiés. C'est encore au Chasséen ancien qu'appartient une partie du remarquable mobilier céramique mis au jour à Paris sur le site de Bercy en même temps qu'une importante occupation chasséenne; le sauvetage du secteur dénommé "Quartier Sud" a livré, sur la rive gauche du chenal précédemment repéré, outre la sépulture de deux enfants, une grande quantité de matériel en bon état de conservation (vases entiers, outillage en matières osseuses et les éléments de plusieurs nouvelles embarcations qui ont rejoint celles de l'an dernier pour traitement au Laboratoire ARC-Nucléart de Grenoble). Les découvertes effectuées sur ces divers sites convergent pour remettre en question la conception actuelle des cultures du Néolithique moyen, en particulier du Cerny dont la complexité apparaît de plus en plus nettement (présence ou non, selon les sites, d'un faciès Barbuise, contemporanéité éventuelle avec certain Chasséen, etc.).

Le nombre d'interventions portant sur la Protohistoire, depuis la fin de l’Âge du Bronze, est élevé : en dehors de l'éperon barré de Boulancourt, déjà cité, pratiquement tous les décapages extensifs en carrières dans les vallées alluviales de la Seine, de l'Yonne et de la Marne entraînent la mise au jour d'occupations des Âges des Métaux.

Ainsi, à Varennes-sur-Seine "Le Marais des Rimelles" (Seine-et-Marne), plusieurs fosses domestiques ont livré un abondant matériel céramique référable au Rhin-Suisse-France Orientale. La transition Bronze final IIIb-Hallstatt ancien est présente à Boulancourt où les aménagements de retranchements sont accompagnés d'une couche d'habitat, ainsi qu'en vallée de Marne (Isle-les-Villenoy) et en Bassée (Bazoches-les-Bray, Marolles-sur-Seine "Motteux", La Tombe, Changis et Fresnes-sur-Marne). Il faut enfin mentionner la découverte dans la carrière de Varennes-sur-Seine, "Les Rimelles", d'une grande fosse polylobée utilisée pour la sépulture d'un jeune individu qui avait été recouvert d'un premier dépôt de trois chevaux, un chien, puis à nouveau, après un apport de sédiments stériles, d'un second dépôt semblable, moins le poulain. Aucune comparaison n'a pour l'instant été trouvée pour cette étonnante structure, dépourvue d'objets mobiliers et dont l'attribution chronologique à l'intérieur de la Protohistoire devra être précisée.

Pour les périodes historiques, l'année 1992 montre une nette recrudescence des opérations de sauvetage urgent puisque 71 nouvelles autorisations ont été délivrées. Elles viennent s'ajouter à 12 opérations commencées en 1991 et qui se poursuivent encore. Ces fouilles préventives ont porté essentiellement sur les secteurs ruraux du sud-est et du nord-ouest de la région (plateaux). Touchant souvent des superficies importantes (30 % d'entre elles concernent plus de deux hectares), elles résultent pour l'essentiel du développement des grands travaux d'aménagement des villes nouvelles et des infrastructures industrielles, routières et ferroviaires qui leur sont liées. Les périodes concernées par ces opérations sont et pour l'essentiel la période gallo-romaine et le Haut Moyen Âge. Il s'agit le plus souvent de sites d'habitats présentant une occupation diachronique et pratiquement tous abandonnés vers la fin du Xe ou la 1ère moitié du XIe siècle.

Ces opérations, qui se sont multipliées ces deux dernières années, ont permis de faire considérablement progresser nos connaissances sur l'origine, la nature, l'organisation et l'évolution de ces sites ruraux, notamment en ce qui concerne les "dark-ages" c'est-à-dire du Ve au Xe siècle. La vie quotidienne est également illustrée par la découverte d'un abondant mobilier dont plusieurs ensembles céramiques exceptionnels. Ces résultats importants font notamment l'objet, au Musée archéologique départemental du Val-d'Oise, d'une grande exposition, assortie d'un catalogue de plus de 300 pages, intitulée "l'Île-de-France de Clovis à Hugues Capet". A noter également la découverte à Serris (77) au sein d'un vaste habitat de cette époque, d'un riche habitat dont le caractère "seigneurial" n'est pas à exclure (bâtiments à fondations de pierre, fibule épigraphe en bronze décorée d'un buste royal).

Par ailleurs, une série de prospections systématiques et de sondages, pratiquée dans le cadre des projets d'aménagement de la ville nouvelle de Sénart, a permis de mettre en évidence au sein de ce terroir l'existence, à l'époque gallo-romaine, d'une véritable structuration de l'espace en unités régulières. Ces unités d'exploitation, qui correspondent a priori à un système domanial élaboré, sont constituées d'une grande villa centrale autour de laquelle gravitent à espace régulier une série d'établissements secondaires.

Un certain nombre d'autres résultats ponctuels sont également à signaler. C'est notamment le cas à Genainville ou une campagne de sondages préalable à l'aménagement du site a permis de démontrer que l'ensemble cultuel n'était pas, comme on le supposait auparavant, isolé mais situé au sein d'une agglomération dont la nature réelle reste à définir. Il en est de même pour l'atelier de potier gallo-romain de La Boissière-Ecole (78) ou une expérience quasiment unique a pu être tentée soit la remise en fonctionnement, près de dix-sept siècles après son abandon, de l'un des fours de potier découvert.

Les opérations d'archéologie urbaine ont été en nette régression par rapport aux années précédentes. Ce fait est consécutif à la récession générale observée dans l'immobilier depuis l'automne 1991.

Deux opérations sont à signaler sur Paris. L'une concerne la fouille préalable à l'aménagement des Guichets du Louvre, côté Seine (fosses et puits gallo-romains, traces d'activité tuilière médiévales, habitat du XVIe siècle) et la seconde la découverte, lors de sondages rue de la Tombe Issoire, d'un tronçon de l'aqueduc gallo-romain.

A Melun, une fouille préventive menée sur l'emplacement de l'ancienne brasserie Gruber, a permis la fouille de 260 sépultures du haut Moyen Âge et de trois puits "votifs" d'époque gallo-romaine (IIe siècle).

A Meaux, plusieurs interventions ponctuelles sur l'emplacement de l'ancienne ville antique ont permis de mieux cerner son organisation et ses limites à l'est et surtout à l'ouest, en bordure de l'ancien méandre de la Marne (structures de type fossoyé du Haut-Empire).

La période médiévale est illustrée par la fouille partielle du cimetière du haut Moyen Âge associé à l'église Saint-Martin (IXe siècle). A la périphérie de la ville, le sanctuaire de "La Bauve" a fait l'objet d'une septième campagne de fouille programmée. L'organisation de l'ensemble cultuel gallo-romain (1er-IIe siècle avec abandon au IVe siècle) est désormais mieux perçue et des traces évidentes et structurées d'une occupation antérieure (phase ancienne de La Tène) ont pu être mises en évidence. A signaler également la mise au jour d'un ensemble d'épées ou de fragments d'épées miniatures du IVe siècle avant J.-C.


Introduction