Arisitum

L'ARCHEOLOGIE EN LORRAINE (1991)
BILAN ET RESULTATS

(Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges)


Source: "Bilan Scientifique 1991", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles de Lorraine, Service Régional de l'Archéologie, 1992, pages 7 à 17.


Bilan et orientations de la recherche archéologique (de Martine WILLAUME, Conservateur Régional de l'Archéologie).

Si l'activité archéologique de l'année 1991 a été fortement marquée par l'archéologie de prévention et de sauvetage, celle-ci ne peut être dissociée d'autres aspects de la pratique archéologique qui concourent aux mêmes objectifs, à savoir la protection et la sauvegarde du patrimoine. Il en va ainsi de l'inventaire archéologique qu'enrichissent les prospections ou encore des mesures de protection que permettent les dispositions législatives et réglementaires.

En ce qui conceme la carte archéologique, 549 sites ont été intégrés à l'inventaire national informatisé, portant ainsi le nombre de sites recensés à environ 4.500. Il est à noter que 7.000 sites sont en attente d'enregistrement dans la base de données nationale. L'inventaire archéologique comprendra alors près de cinq sites par commune, en moyenne, sur le territoire régional.

Les prospections sont menées soit dans le cadre des thèmes de recherche proposés par le Conseil Supérieur de la Recherche Archéologique, comme la paléométallurgie, les carrières ou encore l'habitat fortifié, soit dans le cadre des Prospections-Inventaires opérées dans un territoire limité et dans une perspective transpériodique, qu'il s'agisse d'archéologues professionnels ou d'archéologues bénévoles, dûment autorisés à cet effet, dont le réseau couvre les deux-tiers du territoire régional.

Il s'agit le plus souvent de prospections pédestres qui peuvent donner lieu à des relevés de structures, comme dans le vallon d'Escles (88) où les traces d'extraction sont inventoriées comme le sont les représentations d'art populaire.

Les prospections aériennes, quant à elles, ont révélé plus de 350 sites, dont 20 sites dans les Vosges, 57 dans la Meuse, 136 en Meurthe et Moselle et 144 en Moselle. La détection des sites s'insère dans une étude du paysage. Ainsi ont été repérés d'anciens méandres de vallons, des crétes de labours, des parcellaires, des routes anciennes, et ont été définies des zones marquées par l'érosion. On peut évaluer l'apport des prospections autres qu'aériennes au corpus régional à environ 450 sites en 1991.

En milieu urbain, on doit signaler les travaux menés à Metz, où le Document d'Evaluation du Patrimoine Archéologique Urbain (D.E.P.A.U.) est en cours d'achèvement.

Ce type de document, élaboré sous l'égide du Centre National d'Archéologie Urbaine de Tours (C.N.A.U.), ne se présente pas comme une carte archéologique classique, mentionnant la totalité des découvertes, même ponctuelles, répertoriées à l'intérieur de la ville. Il comprend d'une part une synthèse des connaissances relatives à l'évolution de la topographie urbaine, mettant en évidence lacunes et questions, et d'autre part une évaluation du potentiel archéologique conservé, susceptible de répondre à ces dernières.

Il s'agit donc d'un document prospectif, destiné à faciliter le dialogue entre aménageurs, élus et archéologues, dans le but de renforcer la prise en compte du patrimoine archéologique messin.

L'équipe chargée de la réalisation du D.E.P.A.U. a pu également, à cette occasion, mieux mesurer l'ampleur et la densité des destructions déjà opérées, tout comme la disparité, tant quantitative que qualitative, des informations disponibles suivant les thèmes ou les périodes considérées. A Verdun (55), un document de même nature est en cours d'élaboration.

La protection du patrimoine archéologique s'est traduite par ailleurs par 9 classements au titre des Monuments Historiques et 2 inscriptions à l'Inventaire Supplémentaire, auxquels il convient d'ajouter 4 procédures d'instance de classement et une inscription en zone N.D. au Plan d'Occupation des Sols d'une commune.

Les mesures prises dans le cadre de la loi de 1913 concernent des sites aisément perceptibles, voire monumentaux, qu'il s'agisse de nécropoles tumulaires, d'éperons barrés, de maisons-fortes, de mottes ou d'enceintes de châteaux - ce que favorise ce type de protection - et plus rarement de sites enfouis, comme la nécropole gallo-romaine de Basse-Rentgen (57).

Les instances de classement ont été mises en oeuvre pour la protection du patrimoine tant en milieu urbain (habitat civil à Metz) qu'en milieu rural (Vicus gallo-romain de Senon - 55). Si l'on ajoute à ces mesures l'inscription en zone N.D. au P.O.S. de la commune du Thillot (88) de mines de cuivre exploitées au XVIIe siècle, on peut observer que le capital culturel ainsi protégé recouvre un large éventail chronologique, de la protohistoire à l'époque moderne, et un choix varié de types de sites archéologiques.

Quant à la mise en valeur des sites, c'est surtout le parc archéologique frontalier de Bliesbruck-Rheinheim qui doit être mis en avant à ce sujet: c'est le fruit des efforts conjoints du Conseil Général de la Moselle, du Land de la Sarre et du Ministère de la Culture, dans le cadre de la loi-programme du 05/01/1988 relative au patrimoine monumental. Il convient également de ne pas omettre le site de Grand où les réalisations ont été permises par la même loi et la volonté du Conseil Général des Vosges.

Du point de vue de la diffusion auprès du public, et particulièrement des expositions, l'ampleur des manifestations qui accompagnaient en 1990 l'Année de l'Archéologie explique la réduction de l'activité du Service dans ce domaine en 1991.

Outre la poursuite de l'itinérance de l'exposition "La Lorraine Antique", réalisée en collaboration avec la Section Fédérée de Lorraine de l'Association Générale des Conservateurs des Collections Publiques de France, il faut cependant signaler la manifestation "Rencontres autour du Verre" qui s'est déroulée du 24 septembre au 9 octobre 1991 à Vannes-le-Châtel (54). Celle-ci, associant le Service et la Plate-Forme Verrière (CCSTI du verre et du cristal), a été l'occasion de démonstrations d'archéologie expérimentale en public, qu'accompagnait une exposition (12 panneaux, 1 vitrine) sur le verre et les archéologues, réalisée par le Service.

Cependant, c'est la gestion du patrimoine archéologique qui a représenté en 1991 l'axe majeur de la politique du Service Régional de l'Archéologie de Lorraine.

Cette politique, qui sera poursuivie et développée en 1992, se traduit par l'accentuation de l'effort de collaboration avec les autres services de l'Etat (M.H., D.D.E., D.D.A.F., D.R.A.E.) dans le cadre de l'instruction systématique des documents d'urbanisme concernant une surface supérieure à 1.000 m2.

Cette instruction se déroule conformément aux articles R 111/3/2 et R 442/6 du Code de l'urbanisme et à la circulaire conjointe du Ministère de l'Equipement/Ministère de la Culture du 12 octobre 1987, et concerne tous les types de travaux d'aménagement (lotissements, Z.A.C., carrières, routes, etc.).

En milieu urbain, la circulaire de 1987 est appliquée systématiquement quel que soit la surface des projets à partir du moment où les constructions se trouvent dans le périmètre défini comme étant sensible archéologiquement. C'est notamment le cas à Metz, Toul et Nancy, des opérations d'archéologie du bâti se déroulant en outre dans le même cadre dans les deux premières villes. Cette politique de gestion a des conséquences directes sur les résultats scientifiques, puisqu'elle permet de développer depuis 9 ans de nombreux chantiers de fouilles de sauvetages sur des projets dont l'ampleur aboutit à l'exploration de sites archéologiques sur des surfaces importantes et à l'aide de gros moyens financiers.

En ce qui concerne le financement, les crédits attribués à l'archéologie préventive en 1991 se sont montés à 8,9 millions de francs. La part la plus importante de ce montant a été prise en charge par les aménageurs pour un total de 5.196.576 frs (soit 58,4% de la somme globale), le solde étant foumi par l'Etat (2.842.807 frs, 32%) et par les collectivités locales (858.896 frs et 9,6%).

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Le Paléolithique et le Mésolithique

Les gisements du Paléolithique Ancien et Moyen sont très nombreux en Lorraine (près de 50% des sites inventoriés en carte archéologique). Mais il s'agit pour la quasi totalité de stations de surface, ce qui peut s'expliquer par la géographie régionale. La Lorraine en effet ne compte que de très rares grottes ou abris et les placages loessiques y sont très localisés et peu développés. Les quelques gisements découverts in situ doivent leur conservation à des phénomènes géologiques très localisés: doline karstique (Chavelot et Vincey - 88) ou glissement de masse ayant scellé des paléosols (Archette - 88).

La découverte en 1991 à Belleville-sur-Meuse (55) d'une doline fossile ayant piégé quelques artefacts associés à de la faune ancienne (mammouth) est donc du plus grand intérêt pour la préhistoire régionale. Les études en cours devraient permettre d'en préciser la datation.

Les sites du Paléolithique Supérieur sont quant à eux très rares en Lorraine (une dizaine de gisements en tenant compte des stations de surface) et les recherches menées cette année n'ont pas permis d'augmenter le corpus.

Ceci trouve en partie son explication dans les conditions climatiques qui règnaient dans le secteur à la dernière période glaciaire, le massif vosgien étant recouvert par les glaces et les zones périphériques présentant des conditions périglaciaires très rigoureuses. La mise en évidence sur le Pôle Industriel d'Ennery à plus de 180km de la moraine frontale d'un réseau de fentes en coin très développé, et qui affecte la moyenne terrasse, permet de mesurer l'intensité du phénomène.

Au tardi et au postglaciaire, les gisements deviennent plus nombreux à la suite de l'amélioration climatique. Les études palynologiques effectuées ces dernières années par le laboratoire de chrono-écologie de Besançon, en collaboration avec le Service Régional de l'Archéologie, dans les remplissages des paléochenaux de la Moselle permettent d'appréhender la recolonisation végétale du territoire.

Un petit gisement du Mésolithique Ancien, mis au jour cette année sur la berge d'un de ces paléochenaux (Hagondange "Elargissement de l'A31" - 57) devrait ainsi pouvoir être corrélé avec un horizon botanique précis. L'organisation spatiale de cet habitat n'a cependant pas pu être reconnue du fait d'importantes perturbations postérieures (bioturbations et installation d'un habitat de l'Age du Fer).

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Le Néolithique Ancien Rubané

La Lorraine présente deux secteurs d'implantation de la culture du Rubané. Le premier, situé dans la plaine sous-vosgienne, se rattache au groupe de Haute Alsace et présente, dans sa phase finale, de fortes affinités avec le Rubané Récent du Bassin Parisien (R.R.B.P). Le second, implanté dans le Bassin de la Moselle et de la Sarre, entre Metz et Sierck, se rattache aux groupes du Rhin Moyen et du secteur Main-Neckar.

Dans le département de la Moselle, cinq gisements ont fait l'objet d'interventions archéologiques en 1991. L'un (Vigy - 57) était déjà connu depuis 1986, tandis que les quatre autres (Talange "Elargissement de l'A31", Ay "Lotissement les Tournailles", Florange "Lidl", Hettange "Grand quartier Guyon Geslin" - 57) ont été mis au jour à l'occasion de travaux publics ou d'urbanisme.

Il faut signaler par ailleurs la découverte en prospection de surface d'un autre habitat Néolithique Ancien (Kerling "Betschler" - 57), ce qui porte à 30 le nombre de gisements Rubané recensés dans la région Metz-Sierck.

Les opérations menées en 1991 confortent les observations effectuées à Metz Nord et à Montenach (57), à savoir une durée d`occupation très longue des sites, caractérisée par de nombreux recoupements des structures d'habitat.

L'exploitation des données recueillies à l'occasion de la fouille du gisement d`Ay devrait permettre de faire progresser la recherche sur le Néolithique Ancien lorrain de manière significative. Sur ce site, il a été relevé les plans d'au moins 18 habitations attribuables aux phases ancienne, moyenne, récente et finale du Rubané. L'abondant mobilier qui a été collecté à cette occasion permettra d'effectuer une périodisation régionale détaillée du style céramique, tandis que l'étude du silex, de la faune (pour la première fois conservée sur un site de cette période en Lorraine) et des paléosemences apportera des précisions sur l'économie des premiers agriculteurs. Il sera à cette occasion particulièrement intéressant d'étudier les relations entretenues avec les groupes avoisinants, en particulier le R.R.B.P.

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Le Néolithique Moyen et Récent

Si les découvertes concernant le Néolithique Ancien se sont multipliées, il n'en est pas de même en ce qui concerne le post-Rubané.

Jusqu'à cette année, seules quelques découvertes isolées, la plupart provenant de prospections de surface apportaient quelques renseignements sur cette période. La mise au jour en 1991 de trois habitats permet d'apporter un éclairage nouveau pour le Néolithique Moyen régional.

Le gisement de Talange a été repéré en août 1991 à l'occasion de sondages préalables à la réalisation d'un lotissement. Deux silos et une fosse associés à un niveau archéologique piégé sur la berge d'un paléochenal ont livré de l'industrie lithique et de la céramique attribuable à une phase moyenne ou finale de la culture de Rössen (Rössen II ou III).

Sur le site d'Ennery "ZAC districale" la réalisation d'un bâtiment industriel a nécessité une fouille de sauvetage de 7.000 m2 qui a permis l'étude d'une quinzaine de fosses du Néolithique Moyen. Ces structures recelaient de la faune particulièrement bien conservée et plusieurs récipients attribuables au Rössen tardif (Rössen III ou Epi-Rössen).

A l'occasion des sondages effectués sur le lotissement artisanal d'Amnéville (57), il a été mis au jour le plan partiel d'une habitation. L'orientation générale et l'organisation des poteaux en tierce évoquent les bâtiments du Néolithique Ancien. Néanmoins le plan fortement trapézoïdal et l'absence de rythmicité interne des tierces laissent plutôt penser qu'il s'agit d'une construction du Néolithique Moyen.

Les limites de répartition du groupe de Cerny qui occupe à cette même période le Bassin Parisien ne sont pas connues; c'est pourquoi la découverte de ces trois gisements est particulièrement importante puisqu'elle confirme qu'au Néolithique Moyen la Lorraine se rattache au domaine rhénan.

Des datations C 14 s'avèrent nécessaires; elles permettraient de préciser l'attribution chronologique des sites d'Amnéville et de Talange, de manière à caler plus précisément les sites lorrains dans la séquence rhénane et de diagnostiquer l'habitat d'Amnéville.

Par ailleurs, le site d'Ennery a livré un ensemble de faune (environ 600 restes) unique pour la région. Il sera donc possible de vérifier si les différences d'assemblage faunistique qui ont été constatées en Allemagne entre les gisements du Néolithique Ancien et du Néolithique Moyen se retrouvent en Lorraine.

Les sites du Néolithique Récent sont tout aussi peu nombreux que ceux du Néolithique Moyen. La découverte de structures d'habitat Michelsberg, à l'occasion de la fouille de Marly "Clos des Sorbiers" (57), est la seconde du genre en Lorraine.

Il sera particulièrement important de vérifier par datation C 14 si le grand bâtiment à deux nefs peut être rattaché à cette occupation du site, car des constructions Michelsberg ne sont à l'heure actuelle connues qu'à Douzy (08).

A Ay-sur-Moselle "Sablière Dier" (57), il a été repéré sur près de 1 ha un important gisement qui paraît devoir également être attribué au Néolithique Récent. La fouille, programmée en 1992, devrait permettre d'apporter des précisions à ce sujet.

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Le Néolithique Final

Les gisements structurés du Néolithique Final demeurent rares en Lorraine comme dans le reste de la France. L'archéologie de sauvetage contribue cependant à combler plusieurs lacunes de la chronologie régionale.

En ce qui concerne les habitats, on peut signaler en 1991, à l'occasion de sondages, la découverte à Rettel "Lotissement Artisanal" (57) de diverses structures domestiques (fosses, trous de poteaux) attribuables à un Néolithique Final non précisé. La fouille de ce gisement, programmée en 1992, devrait donc permettre d'apporter des informations importantes pour la compréhension de cette période.

Par ailleurs, la réétude du mobilier de la fouille d'Oudrenne (57) a permis de mettre en évidence une occupation du site au Cordé. Ce gisement constitue le point de répartition le plus à l'Ouest de cette culture, qui est ainsi identifiée formellement pour la première fois en Lorraine.

Les découvertes d'habitats de la civilisation campaniforme, qui succède immédiatement au Cordé en Lorraine, sont plus nombreuses. Deux nouveaux sites ont été découverts cette année: l'un à Augny "Lotissement les Gravières" (57), daté du Campaniforme Ancien ou Moyen, et l'autre à Ennery "Projet Kléber" (57) attribuable au Campaniforme Récent ou Final. Ce type de gisement est particulièrement difficile à détecter car les structures excavées y sont rares.

L'information la plus importante sur cette culture a été apportée par l'intervention effectuée sur le site de Pagny-sur-Moselle "En Navut" (54). Sur ce gisement, qui a fait l'objet de plusieurs opérations depuis 1985, il a été découvert, dans un niveau daté par dendrochronologie de 2319 avant J.-C., de la céramique attribuable au Campaniforme Ancien. C'est la première fois que du mobilier de type "All over ornement" (A.O.O.) peut être daté par dendrochronologie.

En ce qui concerne le domaine funéraire, on doit signaler la multiplication des découvertes de sépultures isolées. Le site d'Ay "Lotissement les Tournailles" (57) a ainsi livré une tombe attribuable à une phase non déterminée du Néolithique Final, tandis qu'à Argancy "Les Joncquières" (57), a été mise au jour une sépulture du Campaniforme Moyen. Découverte à Metz-Borny "Nouvelle piscine municipale" (57), une autre tombe isolée, sans mobilier, où le défunt était déposé en decubitus latéral fléchi, peut être datée également du Néolithique Final, si l'on s'appuie sur la position du défunt dans la tombe. Cette datation devra cependant être précisée par la méthode du C 14.

Ces découvertes corroborent celles faites respectivement en 1988 et 1989 à Void-Vacon "Elargissement de la RN4" (55) et Goin "Aéroport Régional" (57) et modifient la vision que l'on pouvait avoir, au niveau régional, des pratiques funéraires. Les sépultures du Néolithique Final n'étaient en effet connues jusqu'à présent que par des fouilles de grottes sépulcrales.

Il faudra toutefois attendre les résultats des datations C 14 des sept tombes sans mobilier, mises au jour dans le secteur Sud-Ouest du chantier d'Argancy "Caterpillar" (57), pour savoir si l'usage de petites nécropoles était également développé dans notre région au IIIe millénaire avant J.-C.

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L'Age du Bronze

Les interventions d'archéologie préventive ou de sauvetage menées ces six dernières années en Lorraine ont amené la découverte de plus de 150 sites d'habitat de l'Age du Bronze, ce qui comble une importante lacune régionale.

Le Bronze Ancien

On connaît aujourd'hui une dizaine d'habitats du Bronze Ancien dans le Bassin de la Moselle française. La céramique permet une datation au Bronze A2 qui fait ici directement suite au Campaniforme terminal à décors barbelés. Ces décors permettent une attribution au complexe culturel du Rhin Inférieur et Moyen et du Rhône, anciennement appelé civilisation du Rhône par les auteurs français. Les influences Hilversum qui sont présentes en Belgique et dans le Bassin Parisien font ici totalement défaut.

En 1991, la fouille du site de Frouard "Haut de Penotte" (54) a permis de dégager le plan d'un grand bâtiment à trois nefs et deux absides, associé semble-t-il à du mobilier Bronze Ancien. Si les analyses C 14 confirmaient cette datation, il s'agirait du troisième site lorrain ayant livré un plan d'habitation de ce type.

Les sondages effectués sur la zone industrielle de Bouxières-sous-Froidmont (54) ont en outre amené la découverte d'un nouvel habitat structuré du Bronze Ancien. La fouille en sera programmée à moyen terme en fonction de l'avancement de la commercialisation des parcelles.

Le Bronze Moyen

Le Bronze Moyen à céramique excisée était représenté jusqu'à cette année par une douzaine de sites implantés dans le Bassin de la Meurthe et dans le Bassin Supérieur de la Moselle. La découverte d'un nouveau gisement à Bouxières-sous-Froidmont (54), situé 30 km en aval, élargit la répartition de ce groupe culturel.

L'apport le plus important pour la connaissance de cette période a été assuré par la fouille du site de Crévéchamps "Tronc du Chêne" (54) qui a porté sur une surface de 3 ha. A pu en effet être mise en évidence une phase d'occupation Bronze Moyen antérieure au groupe à céramique excisée, qui du point de vue de la céramique trouve des comparaisons avec le Baden-Württemberg.

Par ailleurs, il a été dégagé les plans de plusieurs bâtiments à poteaux, dont un au moins attribuable avec certitude à la phase à céramique excisée. Cette construction à deux nefs et extrémité en abside est la première du genre mise au jour en Lorraine. Il faut souligner que les structures d'habitat du Bronze Moyen demeurent, comme celles du Bronze Ancien, extrêmement rares en Europe du Nord-Ouest.

L'étude conjointe de cet habitat de fond de vallée et de ceux fouillés sur le plateau dominant la Moselle (tracé de la RN 57) devrait permettre la comparaison des activités et des modes d' implantation.

Le Bronze Final

Les découvertes d'habitats du Bronze Final se sont multipliées en 1991, portant à plus d'une centaine le nombre de gisements de ce type attribués à cette période. L'abondant mobilier recueilli à l'occasion des interventions de sauvetage a permis de construire un cadre typochronologique solide et de définir neuf phases dans la fourchette chronologique 1250 - 750 avant J.C. Cette séquence a pu être étoffée en 1991 par deux ensembles ayant livré plus d'une centaine de formes céramiques des phases 7 et 8 régionales (BF IIIa - BF IIIb): Rettel "Lotissement Artisanal" et Ay-sur-Moselle "Lotissement les Tournailles" (57).

L'importante série d'habitats découverte ces dernières années permet de proposer un modèle de l'occupation du territoire et de la gestion des sols à l'Age du Bronze, qui a été présenté au colloque de Lons-le-Saunier en 1990. Selon ce modèle, l'implantation de l'habitat serait caractérisée par un semis de fermes isolées, déplacées régulièrement dans des territoires limités.

Les données de la campagne de 1991 semblent confirmer cette hypothèse :

En ce qui concerne les structures de stockage, il se confirme que les silos n'apparaissent qu'au Bronze Final IIIa, alors que les jarres de stockage, connues dès le Bronze Moyen, ne sont pas attestées au-delà du Bronze Final IIIa. En 1991, plus d'une centaine de greniers a été fouillée: les prélèvements systématiques effectués dans cette importante série, en vue de l'étude des macro-restes, devraient permettre une avancée dans l'étude des variations de la morphologie des structures de stockage en liaison avec la nature des productions stockées.

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L'Age du Fer

En ce qui concerne l'Age du Fer, la recherche régionale bénéficie encore essentiellement des résultats de l'archéologie préventive: 8 sites nouveaux ont ainsi fait l'objet de sondages ou de fouilles en 1991. Les observations réalisées à ces occasions ont permis d'apporter des compléments aux résultats acquis ces dernières années, principalement au niveau de la connaissance des structures d'habitat. L'ensemble de ces résultats a complètement renouvelé les données anciennes sur la période, longtemps limitées aux fouilles de nécropole de tumulus et de sites fortifiés de hauteur.

Le Premier Age du Fer

Parmi les sites ayant fourni cette année des plans d'habitats structurés de l'Age du Fer, deux ensembles sont particulièrement significatifs pour la période hallstattienne. Le site de Gravelotte (57), tout d'abord, a été exploré sur une surface de près d'un hectare en liaison avec un projet de lotissement. Il est constitué de deux bâtiments (un grand bâtiment à trois nefs et un bâtiment rectangulaire de construction à entraits) associés à deux greniers et à une palissade, datés de l'époque hallstattienne. Quatre autres bâtiments et cinq greniers, non datés, pourraient appartenir au méme ensemble, qui a peut-être connu plusieurs phases de construction.

A Woippy (57), sur le tracé d'un projet routier, la fouille d'une partie de l'emprise a permis la découverte d'un nouvel habitat hallstattien, constitué d'une maison d'un type exceptionnel (quatre énormes poteaux d'angle et un poteau central supportant une construction à une nef et toit à deux pans) ainsi que quatre greniers et un silo. Des observations plus ponctuelles ont en outre été réalisées.

Ces données viennent compléter les résultats acquis les années précédentes sur les modes de construction des bâtiments et sur l'organisation des habitats de l'Age du Fer. Ainsi peuvent être posés les premiers jalons d'un modèle pour l'occupation du sol à cette période. Pour le premier Age du fer, les ensembles de bâtiments découverts peuvent en effet faire penser au modèle de l'habitat isolé tel qu'il a été proposé pour l'Age du Bronze à partir d'une série plus importante.

L'exemple de Woippy, où les structures peuvent être interprétées comme une maison d'habitation et ses annexes, correspondrait tout à fait à l'unité de base proposée par ce modèle. Celui-ci, qui comprend en outre une délocalisation cyclique de l'habitat, devra être testé sur un plus grand nombre de cas. Quoiqu'il en soit, cette délocalisation, si elle existe, semblerait se faire suivant un cycle plus long que celui qu'on observe au Bronze Final. En effet, les sites de cette dernière période sont statistiquement beaucoup mieux représentés (de l'ordre de quatre à cinq contre un) que ceux du premier Age du Fer, même si l'on pondère cette observation par le fait que le Bronze Final a une durée légèrement plus longue.

En ce qui concerne la chronologie relative de cette période, l'étude de nombreux ensembles de céramiques découverts, parfois en association avec du mobilier métallique, permettra de disposer de séries de références typologiques au niveau régional. L'analyse dendrochronologique de bois trouvés en relation avec certains de ces ensembles fournira en outre des dates qui permettront de caler ces séries en chronologie absolue.

Le Second Age du Fer

En 1991, 4 sites de la période de La Tène ont fait l'objet de fouilles ou de sondages, parmi lesquels deux ont livré des ensembles bien structurés. A Hagondange (57), l'élargissement de l'autoroute A31 a permis d'explorer partiellement un gisement du début du second Age du Fer dont l'emprise totale peut être évaluée à 4 ha. La présence probable de plusieurs unités domestiques et de nombreux silos donne à penser qu'il s'agit d'un habitat groupé. A Marly (57), enfin, ce sont deux bâtiments et un système de fossé qui ont été étudiés et datés de la fin de La Tène.

Sur la base des résultats acquis ces dernières années, on peut envisager l'existence à partir du second Age du Fer d'un regroupement - au moins partiel dans certains cas - de l'habitat ouvert. Ce regroupement aboutirait à l'existence de sites comme ceux d'Hagondange ou d'Ennery, où des structures denses de La Tène ont été observées sur plusieurs hectares.

C'est également à cette période qu'il y aurait lieu de placer le début de la structuration du paysage agricole, avec la mise en place d'un système parcellaire d'ampleur, matérialisé par des fossés rectilignes. Cette matérialisation du domaine exploité traduirait la stabilisation des domaines cultivés et l'émergence de propriétés foncières bien définies.

Pour ce qui est de la typologie et de la chronologie du mobilier, les ensembles recensés sont plus nombreux pour la période hallstattienne que pour celle de La Tène. Cependant, la fouille en 1992-1993 d'habitats laténiens, repérés en sondages à l'emplacement de projets d'aménagement à Atton (54) et Bouxières-sous-Froidmont (54), tendra à compenser ce déséquilibre.

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L'époque gallo-romaine

Comme l'année précédente, les opérations ont en majeure partie concerné le milieu rural. Longtemps connu principalement par les fouilles souvent ponctuelles de villas, se limitant aux bâtiments principaux en pierre, l'étude du milieu rural a progressé depuis la fin des années 1980 grâce aux opérations de sauvetage. Les connaissances ont ainsi été totalement renouvelées, notamment en ce qui concerne l'occupation du sol et la période du Bas-Empire.

De nombreuses petites unités agricoles, construites essentiellement en matériaux légers, ainsi que leur domaine attenant ont ainsi été explorées, modifiant la perception de l'occupation du sol. Celle-ci s'est révélée plus dense, notamment autour du chef-lieu de cité de Metz, et plus différenciée: on pourrait distinguer de grands domaines de type romain, qui s'opposeraient à de petites exploitations indépendantes. Seules les structures attenantes de ces habitats ont été explorées cette année: réseau routier secondaire, voire "privé", travaux d'adduction en eau, parcellaire (Hambach, Terville, Marly, Talange, Argancy, Ennery-"Kléber" - 57).

Mais c'est surtout la fouille de petites nécropoles rurales en relation avec des villas qui a été la plus riche d'enseignements. Jusqu'il y a deux ans en effet, celles-ci étaient pratiquement inconnues en Lorraine. En 1991, la fouille de l'intégralité de la nécropole du Haut-Empire de Gravelotte (57), comprenant 10 incinérations et 17 fosses de vidange disposées à côté d'un petit bâtiment rectangulaire en pierre (ustrinum), ainsi que la découverte de la nécropole de Bouxières-sous-Froidmont (54) localisée à proximité d'une villa de taille moyenne, viennent utilement compléter les observations faites sur la petite nécropole de Jouy-aux-Arches en 1990. S'y ajoute, pour 1991 également, la fouille d'un secteur de la nécropole sud de l'agglomération secondaire de Florange, utilisée du Ier siècle à la fin du IVe siècle.

Les éléments nouveaux sur le Bas-Empire concernent d'une part la mise en évidence d'une réoccupation en matériaux légers de villa du Haut-Empire construites en dur (Yutz, Ennery, Frouard, Hettange en 1990) et d'autre part le renouvellement des connaissances sur les ateliers céramiques d'Argonne. Après une interruption de quelques décennies, ces ateliers, dont l'intérêt dépasse largement le cadre régional et même national, font à nouveau depuis 1986 l'objet d'études de terrain (fouilles de sauvetage et opérations programmées de prospection: cartographie d'ateliers connus ou nouveaux, prospections fines sur certains ateliers, ...). La reprise de ces travaux a été motivée en grande partie par les importantes menaces de destruction (remembrements, labours profonds, travaux forestiers) que subissent actuellement ces vestiges.

En 1991, la fouille d'un four à Aubreville (55) a été très riche d'apports pour l'étude des productions céramiques du IIIe siècle, jusqu'alors assez peu connues.

En dehors du milieu rural, les dix dernières années ont été marquées par des apports considérables dans la connaissance du phénomène urbain à Metz (chef-lieu de cité) et dans l'étude des agglomérations secondaires. La recherche programmée sur l'agglomération secondaire de Bliesbruck a notamment porté cette année sur l'organisation générale de son noyau urbanisé et sur son paléoenvironnement. Il s'agit d'une agglomération secondaire d'importance moyenne par rapport aux autres sites connus en Lorraine; cependant, la possibilité de l'explorer dans sa quasi totalité à moyenne échéance présente un intérêt considérable, unique en Lorraine et exceptionnel dans le monde romain, pour l'étude de ce type d'habitats, puisque la majorité du site a été acquise par le Conseil général de la Moselle afin de l'étudier et de la mettre en valeur.

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Moyen Age - Période Moderne

Le site d'Amnéville "Sirius" (57) exploité jusqu'à présent en sondage seulement a, pour l'année 1991, relancé toutes les problématiques régionales liées aux complexes d'habitat du Moyen-Age, de l'époque mérovingienne au XIIe siècle.

En ce qui concerne le choix de l'implantation humaine, la politique de gestion du patrimoine et les techniques des sondages systématiques à l'occasion d'aménagements du territoire nous permet d'améliorer sans cesse notre connaissance du paysage humain au cours des siècles.

Pour le Moyen-Age, l'implantation reste difficilement cernable car le nombre de sites de cette époque par rapport aux autres reste faible (4 en 1989, 1 en 1990). Néanmoins, les sites de Yutz (57) "Rue du Vieux Bourg" et Thionville (57) "Lycée Colbert" fouillés en 1989 renforcent l'hypothèse selon laquelle l'occupation humaine perdure en un même espace jusqu'à nos jours et que par conséquent, l'essentiel des vestiges d'habitats médiévaux reste inconnu car encore enseveli sous les villages et villes actuels. Ces données nécessitent néanmoins d'être vérifiées.

Un autre domaine de recherche s'est développé à propos de la nature propre et de l'évolution dans le temps des types très différents d'habitats recensés. Le site d'Amnéville présente pour le Haut Moyen-Age un habitat constitué de bâtiments sur poteaux et de fonds de cabane associés. Par ailleurs, le site de Frouard (54) "Le Saule Gaillard" n'a livré que des fonds de cabane et un bâtiment sur poteaux pour le Ier Haut Moyen-Age et une maison en pierre pour la fin de l'époque carolingienne.

De même, pour le Moyen-Age, Amnéville présente un bâtiment en pierre avec dépendances (exploitation agricole monastique ?) alors que les sites de Yutz et de Thionville (déjà cités) n'ont livré pour les deux premiers que des bâtiments sur poteaux et pour le troisième que des fonds de cabane. Les données recueillies sur ces sites, quoiqu'incomplètes, soulèvent un certain nombre de questions:

Par ailleurs, il reste à définir les relations encore mal connues entre les zones d'activités (artisanat, agriculture), les zones d'habitat et les espaces funéraires. Les zones d'activité sont encore très mal cernées. Les petits bâtiments sur poteaux ou les fonds de cabane n'ont pas livré de mobilier suffisamment caractéristique pour déterminer une fonction précise dans l'utilisation de ces espaces, à part peut-être à Frouard où un nombre non négligeable d'outils liés à la fabrication de textile a été retrouvé.

Le gisement d'Amnéville a révélé, en outre, des témoignages de métallurgie du fer (scories, parois de four, etc.) ce qui, dans le domaine, est encore novateur.

Les témoins de l'agriculture restent également limités: les silos sont peu fréquents, les outils sont quasi inexistants. Seul le site de Woippy (57) "Les Grandes Tappes" a permis de retrouver des traces de mise en culture à proximité directe de l'habitat sur poteaux.

Enfin, les espaces funéraires n'ont pas fait l'objet d'études particulières en 1991, à l'exception de quelques opérations ponctuelles, comme Florange (57) "Portier Sainte-Agathe" ou encore de l'achèvement de la fouille de l'importante nécropole de Cutry "Solmon' (54) explorée depuis 1972.

Néanmoins, des opérations antérieures ont apporté leur contribution à notre connaissance du domaine funéraire du Haut Moyen-Age, telle la fouille du cimetière de Fontoy (57) "Rue de l'Eglise". Ces opérations ont permis l'étude de tombes gallo-romaines et de tombes mérovingiennes dont certaines attestées comme étant chrétiennes. Pour aucun de ces gisements l'habitat n'a été repéré, et inversement sur les sites d'habitat, aucune tombe n'a été découverte à l'exception d'Amnéville où l'existence d'une dizaine de tombes est présumée.

Par ailleurs, un nouveau domaine de réflexion s'est développé, qui concerne la nature et le développement de l'habitat civil urbain médiéval, déjà illustré avec les études d'archéologie du bâti menées à Metz ces dernières années (Hôpital Saint-Nicolas, Rue des Murs, etc.) et relancé avec les découvertes effectuées en 1991 (9, rue de la Fontaine).

En effet, Metz a gardé des témoignages extraordinaires de son passé médiéval dans ses immeubles actuels. Des maisons présentent encore leur structure de base composée pour certaines de trois murs mitoyens en pierre construits à partir d'arcades de décharge aveugles (permettant l'élévation de deux à trois niveaux) et d'une façade sur cour en pans de bois. La plupart ont conservé des éléments décoratifs sculptés ou peints, d'une excellente qualité de réalisation et de préservation.

Ce type d'étude réalisée sur des élévations, souvent conservées des caves aux charpentes, est essentielle pour la compréhension du développement des villes, des milieux sociologiques différents qui les composent, qui s'y succèdent et qui les transforment.

Deux autres sites ont permis de développer une problématique concernant les techniques médiévales d'aménagement des cours d'eau: il s'agit en milieu rural d'Ay-sur-Moselle (57) "Les Vieilles Eaux" où a été mis en évidence un système de digues et d'épis remontant au VIIe siècle et en milieu urbain de Metz "Place de la Comédie" où entre le XIIe et le XVe siècle se succèdent les contructions d'une jetée, d'une plate-forme et d'un pont sur pilotis sur le bras Est de la Moselle. Ces structures sans être comparables témoignent d'un grand souci de construction. Leur importance scientifique, bien que nouvelle pour la région, est d'un grand apport pour la compréhension des techniques de ces époques et pour la connaissance du paysage des villes et des campagnes.

En archéologie minière, on peut noter l'avancée des études sur l'évolution des techniques de percement, grâce aux travaux menés au Thillot (88) sur les mines de cuivre du XVIIe siècle.

Enfin, la fouille de différents sites fortifiés en Lorraine a permis de repréciser certaines données et questions sur l'architecture militaire - châteaux classiques et forteresses conçues pour résister aux pièces d'artillerie : Epinal "Le Château", Châtel-sur-Moselle (88) et Manderen "Château de Meinsberg" (57) dans lequel un four de fondeur a été mis au jour avec une partie de sa production (pièces d'artillerie du XVe siècle).

La période moderne, encore fort peu étudiée, a surtout fait l'objet d'une recherche concernant les systèmes défensifs urbains (Nancy "Bastion d'Haussonville") et leur évolution depuis le XVe siècle.

Enfin, les études du bâti au coeur des villes telles les opérations effectuées à Metz "Ilot de la Visitation", Metz "Ilot Champé" et Toul "Centre Ville" ont visé à reconnaître les développements urbains laïcs ou autour de fondations religieuses et leurs transformations subies jusqu'à nos jours.


La recherche archéologique de l'année 1991 a donc contribué à la définition d'une typologie des unités d'habitation, des modes d'habitat, de leur organisation spatiale et de leurs relations avec les nécropoles.

Ainsi s'enrichit le corpus des formes-types de maisons, au sein duquel il convient de signaler les maisons à abside, comme celle de Frouard "Haut de Penotte" au Bronze Ancien, ou celle de Crévéchamps attribuable au Bronze Moyen. Mentionnons également l'exceptionnelle maison de Woippy, pour l'époque hallstattienne, ou la maison en pierre de la fin de l'époque carolingienne de Frouard "Saule Gaillard". Par ailleurs se confirment des types déjà pressentis, comme celui des maisons à charpentes constituées de chevron formant ferme au Bronze Final.

Quelques pièces sont à apporter au dossier de la typologie des modes d'habitat où se distingue le modèle de l'habitation isolée avec ses annexes, comme à Ennery au Néolithique, à Marly ou à Frouard au Bronze Final, ou encore à Woippy au Premier Age du Fer. Sans entrer dans le détail des analyses relatives aux concentrations d'habitats aux différentes phases de la Protohistoire, du Néolithique Ancien au Premier Age du Fer, on peut noter que la recherche s'oriente vers la définition du regroupement de l'habitat à La Tène, comme à Hagondange ou Ennery. C'est à Bliesbruck que l'organisation d'un habitat groupé peut être le mieux étudiée pour l'époque antique.

On peut constater une absence de recherches sur les phénomènes de perchement et de déperchement de l'habitat protohistorique car les fouilles concernent peu d'habitats de hauteur, à l'exception des fouilles du Saint-Mont (88) ou de Châtel-Saint-Germain.(57), axées l'une sur l'étude de l'occupation religieuse médiévale et l'autre sur la fouille de la nécropole mérovingienne.

Les données progressent, en revanche, sur les habitats de plaine: apparaissent les prémisses de l'étude d'une organisation du territoire selon des modules différents entre ceux-ci et les habitats installés sur les plateaux, à partir du Bronze Moyen et du Bronze Final. L'organisation spatiale des habitats en liaison avec l'utilisation du milieu naturel commence à pouvoir être appréhendée, en particulier au Bronze Moyen au Sud de Nancy (54).

La modélisation proposée pour l'Age du Bronze reste pertinente pour le Premier Age du Fer. En revanche, à partir du Hallstatt Final/La Tène Ancienne, la moindre densité des habitats tend à faire concevoir soit une durée d'occupation plus longue entre les déplacements périodiques, soit une concentration de l'habitat.

En ce qui concerne l'antiquité, il convient de noter principalement la réoccupation des villa du Haut Empire par des habitations en matériaux légers au Bas-Empire, documentée depuis 1990. L'habitat du Haut Moyen-Age et du Moyen-Age a été illustré par le site d'Amnéville "Sirius" où coexistent les bâtiments sur poteaux, des fonds de cabane et une maison en pierre.

Complétant l'étude morphologique des habitats, l'étude des structures de stockage est particulièrement active pour le Néolithique et le Bronze Final où la chronologie de l'utilisation des différentes structures est en cours d'élaboration.

Outre les nombreux lissoirs à céramique, les fusaïoles et les pesons, fréquents dans tous les sites protohistoriques fouillés, on peut noter, au titre de l'artisanat, une série de découvertes significatives.

Mentionnons en particulier la trouvaille, hors contexte d'habitat, d'un dépôt de métallurgiste du Bronze Final IIIb à Farébersviller (57). A cet endroit a pu être fouillé un four du Premier Age du Fer, sans que sa fonction soit déterminée, alors qu'un lingot de fer bipyramidal a été trouvé dans une fosse. A Atton (54), des fosses rubéfiées, contenant des scories, ont été rattachées à la période gallo-romaine. C'est surtout la fouille d'un four de potier datable du IIIe siècle à Aubréville (55) qui marque cette année l'avancée des études sur la céramique d'Argonne. La période médiévale quant à elle, s'est enrichie de la fouille d'un four de fondeur du XVe siècle dans le château de Manderen (57).

Au chapitre des relations entre habitats et nécropoles, on mentionnera les sépultures du Néolithique Final à Argancy (57), par exemple, et surtout les nécropoles rurales attenantes à des villa gallo-romaines, comme à Bouxières-sous-Froidmont et à Atton (54).

L'année 1991 a apporté du nouveau sur l'environnement des habitats, en particulier avec des données sur les parcellaires de La Tène, à Marly (57) et à Talange (57) et, en moindre mesure, pour la période Romaine, à Talange.

Les voies de communication, qu'il s'agisse de routes ou de voies d'eau, ont pu également être étudiées: ainsi à Hambach, ou encore à Ennery et Argancy (57) où les photographies aériennes sont venues en complément de la fouille pour permettre d'appréhender la voie romaine dans un réseau. C'est à Ay-sur-Moselle et à Metz "Place de la Comédie" que des installations fluviales ont pu être étudiées, certaines d'entre elles remontant au VIIe siècle.

L'archéologie religieuse, quant à elle, a bénéficié des études menées sur les bâtiments annexes du monastère du Saint-Mont dont certaines constructions datées du VIIe siècle utilisent des éléments remontant au Ve siècle, alors qu'à Châtel-Saint-Germain aucune structure antérieure à l'église du XIIe siècle n'a été mise en évidence, mis à part les niveaux de La Tène Moyenne dans lesquels sont installés les murs de l'édifice ainsi que les tombes de la nécropole mérovingienne.

L'archéologie minière a été marquée par les travaux sur l'évolution des techniques de percement dans les mines de cuivre exploitées au XVIIe siècle au Thillot (88).

En ce qui concerne le programme de recherche régional sur la métallurgie ancienne, il faut souligner la pluridisciplinarité de l'équipe (archéologues, géologue, métallographes) dont les membres appartiennent à différents organismes (Culture, C.N.R.S., bénévoles), ainsi que la prise en compte des résultats des fouilles de sauvetage dans ce programme et son intégration dans des projets plus vastes (ATP d'archéologie métropolitaine sur la métallurgie ancienne en Bourgogne, Franche-Comté et Lorraine et PCR H3 Mines et métallurgie en France).

L'archéologie urbaine paraît assez peu documentée en 1991, à l'exception des travaux menés sur des élévations de bâtiments médiévaux ou modernes menacés de restructuration, comme à Toul (54) ou à Metz (57), ou de la fouille du bastion d'Haussonville à Nancy (54) dans le cadre de l'extension du Musée des Beaux-Arts, ou encore de la fouille de "Place de la Comédie" à Metz (57) déjà évoquée. L'année 1992 en revanche pourrait connaître des fouilles importantes à Verdun (55), Metz ou Nancy en liaison avec des projets d'aménagement.

Si l'année 1991 a favorisé les périodes pré et protohistoriques, les raisons en sont à chercher du côté des modes d'occupation du sol que traduisent les densités variables des sites à chaque période et que révèlent les grands décapages opérés dans le cadre de l'archéologie de prévention et de sauvetage.

C'est l'acquis d'une gestion du patrimoine où le recensement des sites, l'instruction des documents d'urbanisme, la protection juridique des sites visibles et la pratique de terrain s'articulent afin de jeter les bases d'une compréhension historique de l'occupation du territoire de la Lorraine. C'est là l'oeuvre de tous les archéologues, bénévoles et professionnels, qui travaillent ici et, tout particulièrement, de l'équipe du Service Régional de l'Archéologie.


Résultats scientifiques significatifs

Découverte fortuitement, une poche karstique a été fouillée en sauvetage à Belleville-sur-Meuse "La pièce des vingt" (Meuse). Son remplissage stratifié comprend de l'industrie lithique et de la faune ancienne, dont du mammouth, datables du Paléolithique Moyen et Supérieur.

A Ay-sur-Moselle (Moselle), un important gisement du Néolithique ancien a été mis au jour dans une fouille préalable à la construction du lotissement "La Tournaille": dix-huit grandes maisons associées à leurs fosses d'extraction d'argile correspondent à six phases chronologiques du Rubané.

Découvert à l'occasion de sondages préalables à l'extension d'une sablière dans la vallée de la Moselle, au Sud de Nancy, le site de Crévéchamps "Tronc du Chêne" (Meurthe-et-Moselle) comprend un gisement de l'Age du Bronze Moyen qui s'étend, en deux zones distinctes, sur trois hectares.

La première zone comporte un ancien chenal de la Moselle utilisé comme dépotoir au Bronze Moyen. En bordure de cette zone de rejet entourée d'une palissade, se répartissent trois bâtiments, des batteries de greniers et des fosses. Si certaines structures sont datées du Bronze Moyen, en particulier une maison à deux nefs et abside, quelques indices témoignent d'une occupation plus récente dont la datation sera confirmée par des analyses C 14.

La deuxième zone a livré trois bâtiments et un ensemble de greniers datés pour certains du Bronze Moyen, et pour d'autres du Bronze Final I et du Hallstatt.

L'étude de ce site est très importante pour la connaissance des modalités régionales de l'occupation du sol au Bronze Moyen.

Cinq sites ont été repérés lors des sondages effectués préalablement à l'élargissement de l'autoroute A31. La station majeure, située sur la commune d'Hagondange (Moselle) a livré 635 structures archéologiques, datables principalement des Hallstatt Final et La Tène Ancienne. Outre quelques greniers à quatre ou six poteaux, des regroupements ou alignements de poteaux remarquables ont été interprétés comme d'éventuels bâtiments d'habitation, orientés NE/SO ou NO/SE.

Une trentaine de silos leur est associée, dont une douzaine regroupée sur un secteur. L'ensemble est installé dans la boucle d'un bras de la Moselle, et probablement ceinturé par une palissade.

La fouille de sauvetage urgent menée à la suite de travaux forestiers en forêt d'Argonne à Aubreville a permis la mise au jour d'un four de forme quadrangulaire attenant à une fosse de chauffe de même forme, qui desservait un second four - non fouillé - disposé en batterie. Elle a été très riche d'apports pour l'étude des productions céramiques argonnaises du IIIe siècle, mal connues jusqu'à présent.

Le Service Régional de l'Archéologie a réalisé plusieurs types d'opérations à Metz (Moselle). D'une part, trois études archéologiques du bâti encore en élévation ont permis de reconnaître un couvent du XVIe siècle (Ilot de la Visitation), un ensemble du XVIIIe siècle homogène (Ilot Champé) et une maison du XIVe siècle (7 rue de la Fontaine), ainsi que leurs transformations architecturales successives.

D'autre part, une importante fouille de sauvetage a été menée sur la place de la Comédie (ile du Petit Saulcy) où une jetée médiévale a été mise au jour, composée d'un mur maçonné étançonné de pieux en bois préservés dans ce milieu gorgé d'eau. L'extension sur la Moselle, vers la fin du Xve - début du XVIe siècle, s'est accompagnée de remblaiements conséquents, qui livrent un abondant mobilier domestique et artisanal - objets en cuir notamment - en très bon état de conservation.

La fouille du Bastion d'Haussonville a permis de mettre en évidence quatre étapes successives du système défensif de la vieille ville de Nancy :


Introduction