Arisitum

L'ARCHEOLOGIE EN LORRAINE (1992)
BILAN ET RESULTATS

(Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges)


Source: "Bilan Scientifique 1992", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles de Lorraine, Service Régional de l'Archéologie, 1993, pages 9 à 11.


Bilan et orientations de la recherche archéologique (de Martine WILLAUME, Conservateur Régional de l'Archéologie)

Pour la deuxième année consécutive, le Service Régional de l'Archéologie a le plaisir d'offrir à la lecture les résultats de l'activité archéologique régionale. Comme en 1991, cette activité a été fortement marquée par l'archéologie préventive qu'entraîne l'aménagement du territoire et qu'organise la mise en oeuvre des textes réglementaires par les agents du Service Régional de l'Archéologie.

L'instruction des documents d'urbanisme concernant des projets dont la surface est supérieure à 3.000 m2 a provoqué la réalisation de 113 études d'impact archéologique à l'issue desquelles ont été réalisées 40 fouilles préventives. Celles-ci ont été financées par les aménageurs, qu'il s'agisse de collectivités locales ou de maîtres d'ouvrages privés (5,47 millions de francs) et par l'Etat (0,55 millions de francs). Ces financements ont contribué à la création de l'équivalent de 26 emplois permanents en 1992, dont la gestion a été assurée par l'Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (A.F.A.N.), conformément à la convention du 01/07/1992 qui la lie à l'Etat.

Le Service Régional de l'Archéologie a accueilli, en outre, un élève-stagiaire de l'Ecole Nationale du Patrimoine pour une durée de trois mois, au cours desquels il a été associé au suivi des dossiers du département de Meurthe-et-Moselle. Au cours de son stage, Luc Bourgeois a préparé les dossiers de protection au titre des Monuments Historiques de la Tour du Bacha et de l'emplacement du sanctuaire d'Hercule au Premier Silorit à Deneuvre qui seront soumis prochainement à l'approbation de la Commision Régionale du Patrimoine Historique, Architectural et Ethnologique (C.O.R.E.P.H.A.E.).

En outre, dans le cadre des protections au titre des Monuments Historiques, deux sites archéologiques ont été retenus par la C.O.R.E.P.H.A.E. qui en a proposé le classement à la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Il s'agit des sites miniers du Thillot (88) et du Bleiberg (57).

En 1991, le Ministre de la Culture a affirmé sa volonté de consentir un effort particulier pendant cinq ans pour la réalisation de la carte archéologique de la France, outil privilégié dans la prévention des risques encourus par le patrimoine enfoui au gré des aménagements contemporains. Une dotation budgétaire de 17 millions de francs a ainsi été mise en place afin de renforcer les services régionaux de l'archéologie par des emplois contractuels gérés par l'A.F.A.N.

Dans ce cadre, la Lorraine a bénéficié d'une dotation de 722.000 F, qui la place au cinquième rang des dotations nationales de crédits en la matière. Cet apport financier a permis l'emploi de chargés d'études et de techniciens de traitement de données pour une durée cumulée de 32 mois. Les chargé(e)s d'étude procèdent au dépouillement des revues et des archives et aux vérifications des informations sur le terrain, voire à des sondages, tandis que les technicien(ne)s de données sont chargé(e)s de la saisie des bordereaux. A cet effort appréciable de l'Etat, s'est ajouté celui des collectivités territoriales, encore limité aux Conseils Généraux dont les dotations varient de 20 à 60.000 F selon les départements.

La base de données nationale D.R.A.CA.R. s'est ainsi enrichie de 3193 sites lorrains, soit de 71 %, portant le nombre de sites recensés à 7.715, alors qu'un chiffre équivalent de sites est en attente de vérification sur le terrain et de saisie dans la banque de données.

Le Centre National d'Archéologie Urbaine a assuré l'achèvement et la parution du Document d'Evaluation du Patrimoine Archéologique Urbain (D.E.P.A.U.) de la ville de Metz (57) réalisé par Ph. Brunella, N. Dautremont, P. Thion P.-E. Wagner et alii. Il a poursuivi son effort de collaboration avec le Service Régional de l'Archéologie et les archéologues lorrains par la mise en oeuvre d'un D.E.P.A.U. à Verdun (55).

A signaler également la parution d'un volume concernant la Lorraine dans la collection des Documents d'Archéologie française, collection créée en 1985 par le ministère de la Culture, le ministère de l'Education Nationale et le C.N.R.S. Il s'agit de l'ouvrage de M. G. Giuliato, intitulé "Châteaux et Maison fortes en Lorraine Centrale", qui a reçu le Prix du Livre d'histoire régionale lorraine, Feuilles d'Or, dans le cadre du Livre sur la Place à Nancy en 1992.

Par ailleurs le Guide Archéologique de la France, consacré par M. X. Delestre à "Saint-Pierre-aux-Nonnains (Moselle) de l'époque romaine à l'époque gothique" a fait l'objet d'une réédition, preuve du succès que connaît cette collection, destinée à un large public, qui est coéditée par le ministère de la Culture et l'Imprimerie Nationale.

On verra, en lisant cet ouvrage, les avancées qu'apportent la photographie aérienne, les prospections pédestres et aussi les fouilles programmées, mëme si elles sont encore peu nombreuses. Certaines opérations sont novatrices, comme la fouille du Thillot ou encore les recherches menées en paléométallurgie. Par leurs résultats, elles complètent les données fournies par l'archéologie de sauvetage, contribuant chaque année à une avancée significative de la recherche.

Que tous soient ici remerciés de leur contribution au développement de l'archéologie lorraine.


Résultats scientifiques significatifs

Un gisement paléolithique moyen conservé in situ sur près de 5.000 m2 a été appréhendé par sondages lors de l'agrandissement de l'Europôle de Forbach (Moselle). Cet horizon a livré une industrie en chaille locale caractérisée par un débitage levallois et des nucléus unipolaires et bipolaires à plan de frappe préparé.

La fouille de sauvetage du gisement néolithique ancien découvert en 1991 à Ay-sur-Moselle (Moselle) a été poursuivie sur 5.000 m2 et une dizaine de bâtiments rubanés ainsi que plus de 150 fosses ont pu être relevés. Une inhumation en pleine terre était accompagnée de plusieurs perles en roche noire, de trois armatures de faucille et d'une céramique décorée de motifs tapissés à la spatule dentée, caractéristique d'une phase finale de la culture de Grosgartach. Il s'agit de la première mise en évidence de cette culture en Lorraine qui n'était pressentie jusqu'alors qu'à partir d'analyses typologiques d'outillage lithique.

Un important habitat de la culture cordée a été repéré par sondages dans la Z.A.C. de Semécourt (Moselle). La densité de trous de poteaux donne à penser que la fouille de ce site, prévue en 1993, fera progresser la connaissance sur les structures d'habitats encore mal documentés de cette culture.

La création d'entrepôts par la Société Capelle à Ennery (Moselle) a entraîné la fouille de plusieurs habitats protohistoriques (Bronze final et Ier Hallstatt) et romains (Ier au IVe siècles). En outre, ont pu être étudiées une sépulture double du Néolithique final et plusieurs tombes du second Age du Fer. Dans le remplissage d'un puits à eau du Hallstatt ancien, au fond duquel était conservée une échelle monoxyle à trois échelons, on a découvert un bloc en grès gravé déposé en position secondaire. Le décor d'une des faces comprend des motifs géométriques en losange auquel se superposent une ou deux spirales et un objet triangulaire qui évoque un poignard. Cette découverte est à rapprocher des menhirs gravés de Hesse ou des stèles anthropomorphes du Néolithique final du Valais.

La base du rempart gallo-romain du Bas-Empire a été mise au jour fortuitement dans une cave rue "Qui Qu'en Grogne" à Toul (Meurthe-et-Moselle). Parmi plusieurs blocs sculptés réutilisés dans la fondation, trois stèles funéraires du Haut-Empire ont pu être dégagées.

A Verdun (Meuse), une opération d'archéologie du bâti a permis de distinguer trois phases de construction d'un bâtiment du Séminaire, édifié entre le rempart du castrum (en partie conservé dans l'une des caves) et la cathédrale. Aux XIIIe-XIVe siècles, deux corps de logis sont construits et conservent deux portes aux piédroits chanfreinés et deux linteaux en bois. Au XVIe siècle, une demeure canoniale (?) dont la façade est percée de fenêtres aux fines moulures intègre ces deux bâtiments. Deux baies à meneaux de la cour intérieure transformée en salle d'apparat s'ouvrent sur des locaux qui sont alors dotés de plafonds à la française (datations dendrochronologiques en l'absence d'aubier). Au XVIIIe siècle, des reprises et des percements touchent les façades sud et nord tandis que la distribution intérieure est modifiée par la création de portes d'enfilade et que les salles sont embellies de boiseries typiques de cette période.

Dans le cadre du projet d'extension du Musée des Beaux-Arts à Nancy (Meurthe-et-Moselle) la seconde campagne de fouille menée sur le site du bastion d'Haussonville a permis d'étudier un ouvrage avancé médiéval destiné à protéger la porte Saint-Nicolas et présentant deux états successifs. En 1475, on élève une barbacane dont le flanc droit atteignait 6m d'épaisseur et renfermait trois casemates ou chambres de tirs. Le parement extérieur de cet ouvrage est construit en gros blocs irréguliers de marne bleue. Au début du XVIe siècle, ce système défensif est renforcé par l'élévation de deux boulevards qui rattachent la barbacane à l'enceinte. Ils se distinguent du premier ouvrage par l'utilisation de petits blocs calcaires de facture plus soignée dans le parement extérieur.


Introduction