Arisitum

L'ARCHEOLOGIE EN LORRAINE (1993)
BILAN ET RESULTATS

(Meurthe-et-Moselle, Meuse, Moselle, Vosges)


Source: "Bilan Scientifique 1993", Ministère de la Culture et de la Communication, Direction Régionale des Affaires Culturelles de Lorraine, Service Régional de l'Archéologie, 1994, pages 9 à 12.


Bilan et orientations de la recherche archéologique (de Martine WILLAUME, Conservateur Régional de l'Archéologie)

Etudier, protéger, conserver et promouvoir le patrimoine archéologique régional, telles sont les missions du service régional de l'Archéologie.

L'accent a été mis en 1993 sur la promotion et la diffusion des connaissances acquises sans que la place de l'archéologie préventive et des protections juridiques ne cesse d'étre prépondérante au sein de ses missions.

Renouant avec une tradition à laquelle de nombreux archéologues demeurent attachés, la tenue d'une "Journée de circonscription", en septembre 1993, dans les locaux de la mairie de Nancy a rencontré un vif succès.

Présidée par M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, et en présence du Conseiller Scientifique du sous-directeur de l'Archéologie, elle a réuni 150 participants auxquels ont été présentées une vingtaine de communications consacrées à des travaux de terrain, du Néolithique à l'époque moderne, menés dans les 4 départements de la Lorraine par des universitaires, des bénévoles, des agents du service régional de l'Archéologie et des archéologues contractuels de l'AFAN. L'animation des discussions a été confiée par le service régional de l'Archéologie à M. R. Brulet, Professeur à l'Université de Louvain et à Mme J.-M. Demarolle, Maître Assistant à l'Université de Metz, montrant ainsi son souci de collaboration inter-institutionnelle et transfrontalière.

Les publications ont été nombreuses, comme le montre la bibliographie régionale, particulièrement étoffée cette année, en raison de la parution des actes de deux colloques qui s'étaient tenus en Lorraine en 1986 et 1987. Il s'agit d'abord du XIIIe Colloque interrégional sur le Néolithique (Metz,10-12 octobre 1986) dont l'organisation fut l'oeuvre de Mme Ch. Guillaume qui fut aussi chargée du lourd travail de préparation et de mise en ordre des actes, parus dans la série DAF (Documents d'Archéologie Française) sous le titre "Le Néolithique du Nord-Est de la France et des régions limitrophes". Cet ouvrage servira désormais de référence pour juger des avancées de la recherche lorraine sur la période du Néolithique pour laquelle l'archéologie préventive n'est pas avare de données nouvelles, tant en ce qui concerne la chronologie, les structures d'habitat, que les pratiques funéraires et le mode d'occupation du sol.

Les Actes du XIe Colloque de l'AFEAF (Association Française pour l'Etude des Ages du Fer) qui se tint à Sarreguemines (1-3 mai 1987) portent sur les interactions culturelles aux Ages du Fer en Lorraine, Sarre et Luxembourg et ont trouvé leur place dans la revue "Archaeologia Mosellana". Celle-ci est éditée par le service régional de l'Archéologie, le Staatliches Konservatoramt des Saarlandes et le Musée National d'Histoire et d'Art du Luxembourg, cette parution ayant été coordonnée par Mme F. Boura.

Reflet de la coopération transfrontalière, incarnée par Sarlorlux, cette publication offre, pour la Lorraine, des études sur les éléments les plus prestigieux de l'Age du Fer lorrain, comme les vaisselles de bronze de Basse-Yutz (Moselle) ou des découvertes plus modestes, telles cette fosse de Trémont-sur-Saulx (Meuse) à l'abondant matériel céramique, qui, l'une comme l'autre, contribuent à caractériser l'occupation humaine à l'Age du Fer dans les bassins de la Moselle, de la Sarre, de la Meuse et de la Marne.

La table ronde, organisée à Lyon, en 1992, par le Centre d'Etudes Romaines et Gallo-romaines de l'Université de Lyon III, a été suivie de près par la parution de ses actes portant sur les tablettes astrologiques de Grand (Vosges) et l'astrologie en Gaule romaine, tandis que le site de Grand était toujours à l'honneur grâce à l'édition d'un ouvrage destiné au grand public sur l'amphithéâtre, qu'ont préparé Mme M. Bouvet et M. J.-P. Bertaux.

La parution des Etudes offertes à J. Schaub fut aussi l'occasion pour de nombreux chercheurs d'apporter leur contribution à la connaissance du site de Bliesbruck.

Les revues scientifiques d'audience interrégionale ou nationale ont accueilli également des travaux lorrains, qu'il s'agisse d'études préhistoriques parues dans la "Revue Archéologique de l'Est" ou de résultats de fouilles d'archéologie préventive, comme celles de l'Arsenal à Metz, publiées dans "Gallia". L'analyse des données de terrain, recueillies de 1981 à 1987, a permis de dévoiler l'organisation de l'habitat et le système de voirie dans ce quartier de la ville antique aux Ier-IIIe siècles.

Enfin, un ouvrage intitulé "Aux origines de la Lorraine Rurale" préparé par le service régional de l'Archéologie a été imprimé aux éditions Serpenoise quelque temps avant l'inauguration de l'exposition qu'il accompagne et qui nous projette d'ores et déjà en 1994.

C'est aussi en 1994 que paraîtra le tome consacré à la Lorraine et à la Haute-Normandie de "Gallia Informations". Préparée en 1993, cette chronique d'informations concerne les opérations menées en Lorraine de 1988 à 1991: réalisée par le personnel du service régional de l'Archéologie, elle a été élaborée à partir des notices et documents fournis par les chercheurs de la région.

Toutes ces publications tendent à mettre à la disposition du public et de la communauté scientifique les résultats de l'activité archéologique qui demandent à être mûris de diverse manière selon leur complexité.

Du bilan scientifique qui livre dans l'année les résultats des travaux de terrain à la revue "Gallia Informations" où le recul permet de donner sa place à la découverte scientifique d'importance nationale, les efforts se conjuguent pour donner à lire telle monographie ou telle synthèse plus ambitieuse.

Cette transmission et cette conservation intellectuelle des archives du sol ne sont pas dissociables des conditions de leur production, majoritairement due à l'archéologie préventive. En 1993, 167 opérations de sondages ont dû être réalisées en préalable à des travaux d'aménagement du territoire; 50 opérations de fouilles en ont découlé dans l'année. Leur financement a été assuré essentiellement par les aménageurs, qu'il s'agisse de collectivités locales ou de maitres d'ouvrages privés (9,09 millions de francs) et par l'Etat (1,93 millions de francs) et a conduit à la création de l'équivalent de 28 emplois permanents en 1993.

Hormis leur objectif commun de connaissance et de promotion culturelle du patrimoine archéologique, tout distingue l'archéologie préventive et l'archéologie programmée, qu'il s'agisse des délais et des conditions de réalisation ou du financement. En 1993, le financement par l'Etat de l'archéologie programmée a compris la dotation annuelle de 300.000 F pour la fouille de Bliesbruck et une dotation de 200.000 F pour l'ensemble des périodes chronologiques, de la Préhistoire à l'époque moderne, pour la région.

Seules des circonstances exceptionnelles entraînent la conservation in situ de vestiges révélés par l'archéologie préventive: leur lisibilité, leur intérêt scientifique, esthétique, leur pouvoir d'évocation du paysage historique plaident en faveur de leur conservation. D'une manière générale, les témoins archéologiques des sociétés disparues laissent leur place aux aménagements contemporains, après que le travail de l'archéologue ait permis d'en conserver la mémoire.

Parallèlement, l'élaboration de la carte archéologique permet l'identification de ce patrimoine dont les éléments les plus caractéristiques peuvent faire l'objet d'une protection au titre des Monuments Historiques qui en assurera la pérennité et la mise en valeur. En 1993, la carte archéologique s'est enrichie de 4.000 sites, portant à 18.000 le nombre de dossiers dont 10.500 sont enregistrés dans la base de données nationale DRACAR.

L'effort de l'Etat s'est maintenu (34 mois de salaires et 150.000 F de crédits, tandis que celui des collectivités territoriales a diminué (Conseil Général 54: 45.000 F; Conseil Général 55: 37.000 F; Conseil Général 88: 20.000 F).

Les mesures de protection au titre des Monuments Historiques prises au cours de l'année 1993 concernent un patrimoine archéologique varié, datant de la Protohistoire à l'époque moderne.

Aux côtés de la carte archéologique, des documents prévisionnels propres au milieu urbain sont nécessaires à la protection du patrimoine enfoui. Si la Lorraine est en bonne place dans la série nationale des DEPAU (Documents d'Evaluation du Patrimoine Archéologique et Urbain), de nombreuses villes, moyennes et petites, ont un patrimoine archéologique de qualité, sans qu'il soit possible de réaliser pour chacune d'elles un document aussi complet que les DEPAU dont la réalisation requiert, en moyenne, le travail d'une personne à temps plein pendant un an.

Cependant, le suivi des documents d'urbanisme et la prise en compte du patrimoine archéologique dans les aménagements urbains rendent nécessaire de disposer de documents regroupant toures les données acquises sur le sous-sol archéologique afin d'orienter les choix des acteurs de la vie urbaine, élus, administratifs, aménageurs privés et archéologues.

C'est pourquoi un document sur le patrimoine archéologique de Pont-à-Mousson (54), qui s'inspire des DEPAU, a été réalisé cette année et pourrait ëtre à l'origine d'une nouvelle collection créée par le Centre National d'Archéologie Urbaine, s'il venait à ëtre publié en 1994.

Cette Notice d'évaluation du patrimoine archéologique de Pont-à-Mousson a été réalisée par M. D. Lavergne, élève-stagiaire de l'Ecole Nationale du Patrimoine, au cours du stage de 3 mois qu'il a accompli au service régional de l'Archéologie et que parrainait Mme M. Georges-Leroy.

Outre cet appui ponctuel, le service régional de l'Archéologie a connu en 1993 un accroissement de son équipe. M. O. Caumont, Conservateur du Patrimoine, a été affecté au service régional de l'Archéologie, en août 1993, à sa sortie de l'Ecole Nationale du Patrimoine.

Spécialiste des sanctuaires celtiques, originaire de la région Champagne-Ardenne, il se voit confier le suivi du département des Vosges, en collaboration avec Mme S. Jacquemot, ainsi que les questions touchant à la conservation des objets issus des fouilles (restauration, dépôts, relations avec les Musées) dans toute la région.

Lors de l'arrivée d'une documentaliste et d'une chargée d'études documentaires au CAID, Centre d'Accueil, d'Information et de Documentation de la direction régionale des Affaires Culturelles en mai 1993, Mme M. Doridat-Morel, secrétaire de documentation, a rejoint le service régional de l'Archéologie avec lequel elle avait collaboré au cours de ses études universitaires qui l'amenèrent à soutenir une maitrise sur "le Culte impérial en Gaule Belgique" et un DEA sur "Le système routier dans la vallée de la Moselle", à l'Université de Metz. Elle s'y occupe désormais de la bibliothèque, de l'archivage des rapports de fouilles et de la préparation des dossiers de protection au titre des Monuments Historiques ainsi que des arrêtés préfectoraux qui font suite aux propositions de la COREPHAE.

De son côté, l'AFAN, Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales, a engagé pour la première fois une procédure de recrutement d'archéologues sur contrats à durée indéterminée (CDI). Son objectif était de recruter 250 personnes pour l'ensemble de la France, dont 15 pour les régions de l'Est. Composée d'universitaires (Mme M. Lichardus-Itten, M. M. Campi, M. M. Mangin), d'un chercheur au CNRS (M. C. Sapin), d'un Inspecteur Général de l'Archéologie (M. J. Tarrete) et des 5 Conservateurs Régionaux de l'Archéologie des régions de l'Est de la France (Alsace (M. F. Petry), Bourgogne (M. CI. Mordant), Champagne-Ardenne (M. A. Villes), Franche-Comté (Mme E. Boucharlat) et moi-même pour la Lorraine), une commission scientifique a auditionné, en juin 1993, une quarantaine de candidats issus d'une présélection au sein de 150 dossiers. Deux candidats lorrains ont été retenus, Mme M.-P. Koenig, en tant qu'Ingénieur, et M. H. Paitier, comme Assistant d'études, qui viennent ainsi s'ajouter aux 15 CDI dont les contrats avaient été antérieurement transformés par décision prud'homale.

Enfin, dans le cadre de la convention de développement culturel conclue avec la ville de Verdun, une aide à l'embauche a permis de créer un emploi d'archéologue, sur un statut contractuel équivalent à un poste d'attaché de conservation du patrimoine rattaché au Musée de la Princerie. Cet emploi, confié à M. F. Gama, correspond au besoin de la ville d'assurer la surveillance archéologique d'un grand aménagement municipal d'une durée de 12 mois (assainissement).

Qu'il s'agisse de l'Etat, de l'AFAN, liée à l'Etat par une convention, ou des collectivités territoriales, tous les efforts concourent à donner à la France une archéologie professionnelle de haut niveau dans l'esprit de la convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, signée à Malte en janvier 1992.

Si l'on admet que l'archéologie forme un tout, depuis la prospection jusqu'à la diffusion, et que la fouille n'est pas l'unique forme d'activité, la place offerte aux non professionnels de l'archéologie fait partie intégrante des démarches menées en faveur de la connaissance et la protection du patrimoine, comme le montre ce bilan scientifique de l'année 1993.


Introduction