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LES CEVENNES VIGANAISES EN 1786-1787


Le rapport que nous publions a été adressé à l'Intendance du Languedoc, par le subdélégué du Vigan (Gard), conformément aux demandes qui lui avaient été adressées. Il s'agit d'une description assez précise de la région viganaise, tant en matière géographique qu'économique et sociale. Il date de 1786-1787, et a été une des références sur lesquelles s'est basé le mémoire rédigé par l'intendant Charles-Bernard DE BALLAINVILLIERS (1786-1790), concernant la province de Languedoc.

La version que nous donnons ici, pourrait être appelée « version originale ». En effet, ce rapport a subi des modifications et des corrections (probablement dues à un secrétaire de l'Intendant), car de nombreuses lignes sont rayées et il a été rajouté plusieurs mots entre les lignes. Si certaines corrections s'avéraient nécessaires, afin d'améliorer le style du texte, d'autres ont modifié le sens initial des phrases, et quelques détails interessants ont été purement et simplement « éliminés » par un trait de plume. Nous avons donc repris le texte tel qu'il était à l'origine, avant que toutes ces corrections ne soient faites, et c'est celui-ci que nous transcrivons ci dessous (accompagné de photos anciennes):

Le diocèse d'Alais faisoit autres fois partie de celuy de Nimes; il est borné au nord par les montagnes de l'Espérou et de Lozère, quy le séparent du Gévaudan; au midy, par les diocèses de Montpellier et de Nimes; au levant par celuy d'Uzès et du couchant par ceux de Lodève et de Vabres. Il a près de 20 lieues de long et environ 8 lieues de large. Il est situé en grande partie sur le penchant des montagnes et dans des gorges dont les valons sont assès étroits, ce quy le rend sujet à des innondations fréquentes, qui causent beaucoup de dommages aux particuliers en détruisant les écluses ou chaussées dont ils se servent pour deriver les eaux, ou en ravageant leurs terres par la destruction des murs qu'ils soutiennent.

Il est divisé en quatre vigueries, qui sont celles d'Alais, celle d'Anduze, celle de Sauve, et la viguerie royalle du Vigan, qui fait presque la moitié du diocèse, du coté du couchant. Il est composé de 94 communautés, dont la viguerie du Vigan en contient seule 44. La viguerie du Vigan et celle d'Anduze sont du ressort du Sénéchal de Nimes, celle de Sauve de celuy de Montpellier, et celle d'Alais dépend du juge d'apeaux du comté d'Alais. La ville épiscopale qui est Alais, est au levant, à l'extrémité du diocèse. Celuy d'Uzès touche presque les murs de la ville.


le fleuve Hérault

Deux rivières principalles arrosent ce diocèse: le fleuve d'Hérault, quy prend sa source auprès de l'Espérou, qui coule dans ceux de Montpellier, Béziers et Agde, et va se jetter dans la mer Méditerrannée, et la rivère du Gardon qui prend sa source sur le penchant des montagnes voisines de Lozère, traverse le diocèse et va se jetter dans le Rhone. Ces deux rivières ne sont naviguables nulle part; la dernière est remarquable en ce que c'est sur cette rivière que fut construit par les Romains le Pont du Gard à 3 rangés d'arches, l'une sur l'autre et qui leur servoit d'aqueduc pour conduire les eaux à la fontaine Eure, à la ville de Nimes.

Il y a plusieurs chemins royaux et de traverse pour la communication des villes et parroisses quy le composent. Ces chemins sont sous l'inspection de deux inspecteurs qui, depuis leur création, ont toujours été à la nomination de M. M. Les Intendants de la Provinces, et dont les gages sont payés par le diocèse. La route la plus considérable sur laquelle il y a eu des projets d'établir une ligne de poste est celle du Languedoc en Gévaudan qui, dans ce diocèse, passe à la ville d'Anduze et à Saint Jean de Gardonnenque. On travaille actuellement à la ligne du chemin qui, en traversant le diocèse, et parcourant, depuis Montpellier jusques à l'entrée du Rouergue, un espace de 14 lieues, doit se terminer au bout de la Cote du Capellier, et ouvrir entièrement la communication du Languedoc avec le Rouergue et la Guienne.


Sur l'ancienne route de l'Aigoual

On auroit besoin du secours de la Province pour pousser avec activité la perfection d'une route qui est des plus importantes et des plus utilles, puisque c'est celle qui convient le mieux, non seulement à toute la partie orientalle du bas Languedoc, mais encore à la Provence et à une partie du Dauphiné, ausquels elle ouvre tout à la fois une communication directe, et avec le Rouergue, et avec l'Albigeois; c'est la ligne d'étape de Nimes, de la Provence et du Dauphiné, et la route que suivent les troupes de la Marine quy vont et viennent de l'Océan à la Méditerrannée. Le diocèse, abstraction faite de la ville d'Alais, quy fut démembrée du département du Vigan, contient 71474 habitants.

La localité de la ville d'Alais, aux extrémités du diocèse, a fait que, de tous tems, meme avant qu'il fut détaché de celuy de Nimes, la ville du Vigan, quy est presque au centre, a été choisie par préférence, pour etre la ville particulière à la subdélégation, et il y a plus d'un siècle qu'elle l'est. Cette dernière ville, qui est le Vindomagum des anciens, et qui, du tems des Romains, étoit la seconde ville des Volces Arecomiques, est située au pied de la montagne de l'Espérou, une des plus élevées du Languedoc, dans un vaste valon, arrozé des eaux d'une rivière et de celles d'une fontaine très condidérable, et couvert d'arbres fruitiers, des chataigniers et des meuriers.


la fontaine d'Isis (sur la route du Vigan à Rodez)

Sa position, son commerce, ses foires et ses marchés considérables lui donnent des relations très aizées et un avantage sur les autres villes pour la correspondance dans les diférentes vigueries, principallement dans celle de Sauve et dans les autres villes et communautés qui composent celle du Vigan. Elle a donné le jour au fameux chevalier d'ASSAS, dont l'action héroique de Clostercamp a retenty dans toute l'Europe. C'est la dernière ville du Languedoc sur les frontières du Rouergue. Elle est sur la ligne d'étape de Toulon à Brest, c'est le passage des troupes au moment que quittent la Guienne pour entrer en Languedoc, et cette circonstance a servy encore de motif pour y établir le siège de la subdélégation. La ville d'Alais étoit anciennement compris dans le département du Vigan, il y a environ 25 ans qu'on demanda et qu'on obtint, à cause de son éloignement, un subdélégué particulier; elle obtint cette faveur, et ce fut le père de M. D'HOMBRES, aujourd'huy subdélégué dans cette ville, qui fut nommé pour la ville seulement. La ville du Vigan a 3 courriers par semaine, les lettres de Montpellier arrivent le lendemain de leur départ. La Justice y est en paréage entre le Roy et le prieur, il y a un commendant qui l'est aussy de la viguerie. Elle contient avec sa paroisse 4000 habitans.


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