Arisitum LES CEVENNES VIGANAISES EN 1786-1787 (suite)


Il n'y a point dans le diocèse aucune manufacture Royalle. La filature des soyes forme une branche principalle du commerce des villes du Vigan, Saint Hipolite, Anduze, Sauve, et des lieux de Saint Jean de Gardonnenque, Lasalle, Saint Laurent, Sumène, Valleraugue et autres principaux lieux. Outre cette filature de soye, il y a au Vigan:

1) plusieurs fabriques de bas de soye qui, depuis quelques années, se sont accrues et sont devenues des plus considérables. Les bas sont consommés, partie dans l'intérieur du Royaume, et la majeure partie en Espagne;

2) plusieurs fabriques des bas et des bonnets de coton qui, pour la plus grande partie, passent en contrebande en Espagne;

3) plusieurs fabriques de pelleteries blanches et des parchemins. Les pelleteries sont portés à Grenoble et en Italie. Les parchemins sont consommés partie dans le Royaume et partie dans l'étranger;

4) on y fabrique aussy des cercles et des tonneaux qui sont une production des Cévennes, et c'est dans la ville du Vigan et d'autres endroits circonvoisins, ou l'on en fabrique également, que le bas Languedoc et la ville de Cette en particulier, viennent puiser la vaisselle nécessaire aux transports des vins dans l'étranger;

5) il y a aussy quelques fabriquants d'étofes grossières, en laine ou en filozelle, mais peu. Il y a 30 ou 40 ans qu'ils étoient beaucoup plus nombreux, tant au Vigan qu'aux lieux de Bez, Arigas, Aulas, Dourbie et Alzon. L'on y fabriquoit pour lors une grande quantité de cadis et de petits draps blancs qu'on apelloit « vigan » et de petites serges qu'on appelloit « impérialles », dont la consommation se faisoit soit dans le Royaume, soit en Italie, en Franche Comté, en Bourgogne et en Espagne. Ces fabriques sont fort tombées et surtout au Vigan. Elles ont été transférées en grande partie sur les montagnes de la Cone, dans le haut Languedoc, dans le diocèse de Vabres et dans celuy de Carcassonne. Les filatures de soye et les fabriques de bas ont été la cause de leur chute ou de leur diminution;

6) il y a quelques taneries et quelques fabriques de chapeaux, mais de chapeaux communs qui se consomment dans l'intérieur. Il y a encore des fabriques de cardes pour le coton et pour la laine dont il se fait une grande consommation dans tous les environs;

7) a demy quart de lieue du Vigan et dans la parroisse de Mollieres, il y a une papeterie à deux cuves, dont la marchandise se consomme dans la Province, et quy s'est réduite peu à ne faire que du papier d'embalage.


le travail de la laine

Le commerce de la ville de Saint Hipolite consiste aussy, outre la filature de soye, en fabrique de bas de soye et des bas et bonnets de coton. Il consiste encore en une fabrique de laine croisées, qu'on nomme « pessots » particulieres au païs, la plus grande partie est ratinée. Ces étoffes, dont la matière est du crû du païs, sont portées en Roussillon, en Dauphiné et en Provence, dans l'Italie et le Piémont. Cette fabrique est la source d'un commerce considérable en estame filé, dont on ourdit des chaines d'une longueur et d'un poids déterminés, et qu'on porte tous les jours de marché à la ville de Sommières, où elles sont employées à la fabrique des moletons qui y est établie depuis longtems. Ce commerce des chaines et d'estame ne nuit point à la fabrique des pessots, et les fabriquants s'estiment fort heureux d'en avoir le débouché. Cette fabrique de pessots, qui est en vogue aussy dans les lieux de Pompignan, Manoblet, Saint Félix et Durfort, s'est bien soutenue, et il y a apparence qu'elle continuera à se soutenir d'autant mieux que les laines du voisinage sont très propres à la fabrication de ces étofes. Il y a aussy dans cette même ville, une tannerie fort considérable. Il a été un tems où les droits qu'on percevoit pour le Roy se portoint à 50.000 livres l'année. Cette fabrique a déchû un peu, l'esprit de fraude y a contribué, en ce que certains taneurs, précipitant l'ouvrage, vendant la marchandise en secret et au meilleur marché possible, ont occasionné entre eux nombre des faillites. Le débouché de ces marchandises est dans l'intérieur du Royaume, et chez l'étranger par Bordeaux et Marseille. Il y a encore une fabrique de cole forte qui sert pour la plus grande partie à l'appret des étofes de laines, et est transportée et vendue dans tous les endroits ou il y a des fabriques d'étoffes. Cette fabrique s'est soutenue malgré les secousses qu'elle a receu par les faillites des fabricants. Il y a aussy 4 teintureries, tant en laine qu'en soye.


élevage de vers à soie

Le commerce de la ville d'Anduze est en draperies, toileries, soyes, bas et autres marchandises, en bestiaux et en grains. Il y a plusieurs manufactures en bas et en vestes de soye. Il y a deux fabriques considérables des chapeaux fins de toute qualité qui sy sont établi depuis peu, bien montées et bien dirigées. Il y a aussy des manufactures d'étoffes de laine, telles que moletons ou finettes, des pessots et de cadis, le tout destiné pour l'intérieur du Royaume. Ces manufactures sont les plus anciennes, et ce sont le mieux soutenues, mais elles ont beaucoup déchû par le défaut d'ouvriers qui se sont tournés du coté des fabriques de bas. Il y a encore 4 teintureries, deux en soye et deux en laine.

Le commerce de la ville de Sauve se réduit à quelques fabriques de bas de soye et de coton, mais une ressource qui lui est particulière, c'est la fabrication des fourches en bois, quy y est d'un revenu très considérable, et quy sert pour l'usage de toute la Provinve

La ville de Meirueis fournit aussy des fabriques de tramières et d'impérialles. Il sy fait des grandes filatures de coton pour l'Espagne, et l'on observe la dessus que le meilleur moyen quil y auroit pour metre fin aux émigrations quy se font dans ce Royaume, et obliger les François quy y ont passé de revenir dans leur patrie, seroit de prohiber l'exportation du coton filé. Alors, la plus part des métiers seroint oisifs parce qu'en Espagne, on y file peu et fort mal, et les ouvriers forcés de revenir. Il se fait encore à Meirueis un commerce considérable en mulets, et il y en a actuellement ou à quatre lieues à la ronde, trois ou quatre mille qu'on a été acheté en Poitou, qu'on élève et qu'on engraisse sur le penchant de la montagne de Lozère ou sur celle de l'Espérou, et qu'on revend ordinairement aux foires du Vigan ou à la Provence et au Comtat; l'Espagne même depuis quelques tems en tirre aussy; et le terrein est sy propre pour les nourrir que, venus du Poitou à l'age de 9 mois ou un an, ils y réussissent infiniment mieux que dans le Poitou même. Et comme ces montagnes sont très fertilles en paturages, on y fait encore des engrais de moutons, de brebis. Ces paturages et l'air fraix qu'on y respire pendant les chaleurs de l'été, sont de la plus grande ressource pour le bas Languedoc, qui ne manque pas tous les ans de faire conduire sur la montagne de l'Espérou, sur celle de l'Aiguoal et autres circonvoisins, plus de 30000 bettes à laine, quy y montent dans le mois de Juin, et n'en descendent que vers la mi Septembre. C'est sur cette montagne de l'Espérou qu'est un endroit qu'on appelle « l'Hort de Diou », ou naissent naturellement toutes sortes de plantes médicinales.


récolte de cocons de soie

Le commerce de Valleraugue ne consiste qu'en filature de soye, en une fabrique de bas de coton et une autre de bas de soye établie depuis peu, et en une petite fabrique d'impérialles dont il y en a plusieurs dans les environs.

Celuy de Lassalle consiste également en filature de soye, en quelques fabriques de bas de soye qui sy sont introduites depuis peu, en achat de laines dans le pais, et en Provence, travaillées et revendues dans le païs et dans le Gévaudan, et en chaines achetées dans les environs et portées à Sommières pour alimenter la fabrique des moletons. Il y a encore dans ce lieu, de même qu'aux environs, une fabrique d'étoffe connue sous le nom de « pessots de Lassalle », qui est une ratine commune.


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