Arisitum: L' Enigmatique fondation du quotidien républicain "Le Petit Méridional" (1876) (page 3)


Portraits d'Etienne Camoin et d'Antoine Sereno

On possède peu de renseignements sur la jeunesse d'Etienne Camoin: il voit le jour le 27 octobre 1849, à Marseille. Il est fils de Louis Joseph Antoine Camoin, habitant au numéro 25 de la rue Réneau et d'une mère "inconnue" (18). Assez curieusement, c'est seulement 38 ans plus tard, le 27 juin 1887 que le tribunal de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence entérine l'adoption d'Etienne par son père (19). Il semble cependant que les relations entre ces deux hommes aient été bonnes: en 1882, le fondateur du "Petit Méridional" abandonnera même son travail au sein du quotidien pour s'occuper de son père malade (20).

En outre, Etienne tient vraisemblablement de celui-ci, bibliothécaire, le goût de la chose écrite, puisqu'il exerce, comme nous l'avons vu plus haut, le métier d'imprimeur-typographe dans la cité phocéenne. Il y imprimera d'ailleurs, à partir du 2 janvier 1876, les neufs premiers numéros de "La Fronde", périodique satirique animé par le célèbre Léo Taxil (21). Etienne se révélera plus prolixe à Montpellier (22): outre le "Petit Méridional", il s'occupera, entre 1876 et 1880, semble t-il sans Antoine Sereno, de nombreuses autres publications (23). Il reprendra même l'impression du périodique de Taxil à Montpellier (24)...

On possède aussi peu de choses sur les débuts d'Antoine Sereno: il est né à Guelma (Algérie), en 1854 (25). La rubrique nécrologique qui lui est consacrée le 28 décembre 1902 reste une des rares sources d'informations: il y est indiqué qu'Antoine Sereno, engagé à l'âge de 16 ans (!) au côté des volontaires garibaldiens durant la guerre Franco-Allemande de 1870, aurait été "à l'acclamation de ses camarades" porté en triomphe pour ses exploits. Néanmoins, sans remettre en doute son biographe (26), il nous a été impossible de trouver une autre trace écrite de ses talents guerriers: le Service Historique de l'Armée de Terre de Vincennes et le Centre des Archives d'Outre-mer d'Aix-en-Provence ne posséderaient visiblement rien sur lui.

Après la signature de l'armistice, Antoine Sereno ne paraît pas retourner en Algérie. Il se fixerait à Marseille, semble t-il, où il rencontrerait, selon toute hypothèse, la future équipe du "Petit Méridional", et parmi ceux-ci, Jules Gariel, l'administrateur du journal à partir de 1886, et Etienne Camoin.

Comment peut-on expliquer l'accointance entre Antoine Sereno et Etienne Camoin ? Les deux jeunes gens ont en commun un intérêt littéraire: Antoine Sereno, après s'être employé à la réussite du "Petit Méridional", écrira des pièces de théâtre, dont une au moins, selon sa nécrologie, sera jouée à la Comédie Française (le titre de celle-ci n'est pas indiqué). Un autre témoignage nous rapporte l'existence d'une autre oeuvre, intitulé "L'Honneur du Nom" qui sera représenté au théâtre de Vaudeville, à Paris (27). Par ailleurs, Antoine Sereno, lors de la passation d'un bail locatif à Montpellier, en 1878, se qualifie d'homme de lettres (28).

La réalité est peut-être un peu moins flatteuse: si son biographe du "Petit Méridional" cite une pièce jouée à la Comédie Française, il semblerait que la maison de Molière n'ait jamais inscrit quoi que ce soit d'Antoine Sereno à son répertoire. De même, son oeuvre n'apparaît pas dans les fiches de la Bibliothèque Artistique de l'Arsenal ou dans le registre de la Société des Auteurs Dramatiques. Seule la Bibliothèque Nationale conserve l'une de ses pièces, pour cause de "censure". En outre, jamais Antoine Sereno ne signera un article dans "Le Petit Méridional", tout au moins sous son propre nom.

Antoine Sereno, tout comme Etienne Camoin, semble proche de sa famille. Après le décès de son père, survenu avant 1876, il fait venir Anne Monico, sa mère, à Montpellier (29), et se préoccupe de l'avenir de ses frères (30).

De plus, on s'aperçoit que par leurs fréquentations communes, par la ligne éditoriale du "Petit Méridional", leurs antécédents et leurs actes postérieurs à la fondation du journal (31), les deux amis (32) partagent les mêmes convictions politiques républicaines.


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